Les Côtelettes : Menu réchauffé
Bertrand Blier (Les Valseuses, Buffet froid, Tenue de soirée, Trop belle pour toi…) aime déconcerter son public. Il fut un temps où le réalisateur excellait dans l’art de la subversion. Le vétéran s’en donne encore une fois à cœur joie avec cette dernière petite concoction, comédie noire tirée d’une de ses pièces de théâtre. Mais la recette est loin d’être aussi délectable…
Léonce (Philippe Noiret), homme modéré de la gauche caviar, est attablé avec son fils et sa maîtresse lorsqu’on frappe à sa porte. Un vieux rabougri (Michel Bouquet) fait alors irruption chez lui, s’exclamant: "Je suis venu pour vous faire chier." Certes… On a droit à une heure et demie de joute explosive entre ces deux septuagénaires, qui confrontent leurs façons de voir la vie, la mort, mais surtout… qui se disputent leur femme de ménage (Farida Rahouadj), véritable objet de leur fascination.
Face à ce tourbillon de gouailleries misogynes, on reste un instant perplexe, comme abasourdi, puis on s’interroge. Doit-on tout accepter de la satire politico-sociale? Loin de nous l’idée de prôner la morale pour la morale. Le politically incorrect a ses vertus, c’est sûr, quand il est là pour brasser des idées, et surtout pour pousser à réfléchir. Or, on en est loin avec ces Côtelettes, décidément mal assaisonnées… En effet, on tombe dans des commentaires qui, malgré quelques bons passages (on pense notamment au portrait de la femme fatiguée par la vie, ou encore au face-à-face entre Michel Bouquet et le personnage de la Mort), ont tendance à rester dans le cliché facile, même si déclamés haut et fort par un duo d’acteurs hors pair. Et plus on avance, plus on s’embourbe. Les personnages se gargarisant de répliques qui, prises dans la force de l’instant et le rapport direct de l’acteur au public, devaient avoir une certaine vigueur au théâtre, mais perdent de leur efficacité au cinéma.
Le film aborde une question polémique après l’autre: de l’homosexualité, schématisée par un fils préférant la douceur au sport et qu’on traite de "pédé" à qui mieux mieux, à la division politique gauche-droite, exprimée à travers une histoire de bonne conscience et de toilettes souillées, en passant par la condition de la femme maghrébine, battue par une canaille de mari qu’on surnomme "l’Arabe"… Bref, un flot incessant de paroles allant grappiller les fonds de tiroirs et n’exposant que peu de fond. Le tout enguirlandé d’une mise en scène qui nous étourdit par des allées et venues perpétuelles entre différents lieux spatiotemporels. En somme, ce qui devait faire rire, secouer les puces, laisse plutôt un goût amer en bouche. La subversion? Oui. Mais avec style, de grâce…
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