Effroyables jardins : Éloge du père
Cinéma

Effroyables jardins : Éloge du père

À l’instar des Enfants du marais, se dégage d’Effroyables jardins cette fascination qu’exercent les petites gens et la France rurale sur JEAN BECKER. Au rendez-vous, l’on retrouve également l’humour tendre et le thème de prédilection de Becker, l’amitié. À tel point que ce dernier film du réalisateur de L’Été meurtrier, de loin son œuvre la plus mémorable, semble une énième variation du petit monde de Jean Becker.

Tous les dimanches, Jacques (Jacques Villeret), un modeste instituteur, fait la honte de son fils de 14 ans (Damien Jouillerot) en présentant un numéro de clown amateur à la foire du village. Incapable de parler à son père, l’adolescent ignore tout du passé de ce dernier jusqu’au jour où André (André Dussollier), le meilleur ami de Jacques, lui relate un fait peu glorieux qu’ils ont commis durant l’Occupation – eh oui, un autre gentil film ayant pour trame de fond la Seconde Guerre mondiale. Dès lors, le gamin ne verra plus son père du même œil… et les plus sensibles d’entre nous se précipiteront sur leur mouchoir devant cette avalanche de bons sentiments.

Avant d’arriver à la finale, il faudra retourner en arrière pour voir Villeret et Dussollier, affublés d’horribles moumoutes et d’épais maquillage, jouer les jolis cœurs auprès de la charmante Isabelle Candellier en jeune tenancière de bistro. Pour épater cette dernière, les deux amis commettent un acte de résistance dérisoire qui aura des conséquences fatales. Arrêtés et jetés dans une fosse avec deux autres citoyens (Thierry Lhermitte et Benoît Magimel), André et Jacques recevront une belle leçon d’humanité de la part d’un soldat allemand (Bernie Collins) et de la femme de la victime de leur bêtise (Suzanne Flon). Placée en début de générique, la citation de Sébastien Japrisot – qui fut un précieux collaborateur de Becker -, "La dérision en toutes choses est l’ultime défi au malheur", prendra tout son sens.

De plus, d’y croiser Dussollier, Villeret et Flon dans des rôles familiers – le célibataire endurci et guindé, le clown triste et empoté ainsi que la bonne vieille dame – renforce davantage cette impression. Lorsqu’on le lui fait remarquer, Becker confesse qu’il a péché par manque d’imagination, et peut-être aussi par paresse, en reprenant des comédiens qu’il savait pouvoir jouer ce genre de rôle. Faute avouée est à moitié pardonnée. Cela dit, chacun y est comme un poisson dans l’eau, c’est-à-dire truculent et pittoresque à souhait, car chez Becker, l’acteur est roi.

En effet, pour le cinéaste, deux choses sont importantes dans un film: l’histoire et les personnages qui l’animent. Toujours selon Becker, si les personnages ne sont pas intéressants, l’histoire ne pourra pas être passionnante, tout passe donc par la personnalité des interprètes. Et la mise en scène dans tout cela? Assurée mais sans imagination. Rendant hommage à son père Jacques (Le Trou) par le biais d’une réplique lancée par Lhermitte – "S’évader d’une prison en faisant un trou, c’est facile… Mais s’échapper d’un trou! Comment on fait?" -, Becker fils ne prétend par pour autant surpasser ce père qu’il admirait. Ce qui est tout à son honneur.

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