Jean Becker : Récolter ce que l'on sème!
Cinéma

Jean Becker : Récolter ce que l’on sème!

Rencontré dans la suite d’un chic hôtel du centre-ville de Montréal, le réalisateur JEAN BECKER (L’Été meurtrier, Elisa, Les Enfants du marais) s’est prêté en toute simplicité au jeu de l’entrevue.

Pourquoi avez-vous créé de nouveaux personnages pour le film?
"Il fallait faire une adaptation conséquente de ce roman de 60 pages, sans en trahir l’histoire mais tout en la développant; il fallait étoffer davantage les personnages. Certains d’entre eux me gênaient un peu; par exemple, la femme de l’homme qui se fait fusiller épousait l’un des hommes qui l’avaient dénoncé. J’en ai parlé à Michel Quint, puis j’ai créé un couple plus âgé; de cette façon, j’ai pu reprendre ma comédienne fétiche Suzanne Flon. Par contre, j’ai ramené une histoire d’amour, simple, de deux hommes qui, pour les beaux yeux de cette jeune femme, font, à leurs yeux, un acte de bravoure qui se termine très mal. D’ailleurs, pas mal de gens ont commis des actes qui ont contrecarré les plans des Allemands, alors que d’autres mouvements de résistance ont occasionné des prises d’otages et des fusillades, ce qui n’a rien d’honorant. Les scénaristes, Jean Cosmos et Guillaume Laurant, et moi avons écrit cela comme un petit fait divers qui se serait passé pendant la guerre, mais nous n’avons pas voulu nous attarder sur les horreurs de la guerre. Ce n’est pas une trahison du roman, c’est quelque chose de différent qui a été très bien accepté par l’auteur. Enfin, je n’ai pas respecté l’âge ni la personnalité des personnages qui étaient très schématisés."

Vous avez donné un visage humain à l’ennemi; comment les gens qui ont vécu la guerre ont-ils réagi?
"J’ai fait une projection en Allemagne, et je n’ai pas l’impression que cela ait choqué les gens, bien au contraire. Pour tous les rôles allemands, j’ai pris des acteurs allemands qui éprouvaient un sentiment de culpabilité hérité de leurs parents. En France, j’ai fait une projection chez un vieux couple allemand qui m’a remercié d’avoir tourné ce film parce que cela reflétait la vérité: il n’y avait pas que des salauds dans l’armée allemande."

Suivre les traces de votre père, le réalisateur Jacques Becker, vous donne-t-il l’impression de poursuivre un dialogue prématurément interrompu entre lui et vous?
La réponse se fait attendre, puis Becker avoue modestement, avec une certaine émotion: "En fait, c’est une façon de lui rendre hommage à ma manière, non en faisant des films qui soient meilleurs ou moins bons que les siens, mais en essayant d’être un bon élève. Chaque fois que je fais un film, je pense à lui. Mon plus grand regret, c’est que mon père n’ait vu aucun de mes films. Des fois, je rêve qu’il puisse me dire: "C’est bien mon petit, c’est pas mal." Je ne fais pas de plagiat, j’essaie simplement de faire des films en espérant qu’un jour quelqu’un écrive: "Son père était un grand metteur en scène, mais lui aussi a fait un ou deux films qui sont bien"; là je serai content." Parions que son vœu se réalisera.