Mystic River : L’enfance volée
Mettant en vedette les deux acteurs masculins récompensés au dernier gala des Oscars (Sean Pean et Tim Robbins), le film Mystic River fait un retour en salle cette semaine.
Dès le début, toute la logique implacable de Mystic River, 24e film de CLINT EASTWOOD, s’installe brillamment: les apparences s’avèrent trompeuses, les concours de circonstances, malheureux, et l’on préfère la loi du silence à la terrible vérité.
Dans un quartier ouvrier de Boston, Jimmy, Dave et Sean, gamins durs à cuire d’une douzaine d’années, décident de graver leurs prénoms dans une dalle de ciment frais. Un geste innocent lourd de conséquences, car à peine Dave a-t-il eu le temps d’inscrire les premières lettres de son prénom que deux hommes se faisant passer pour des policiers l’enlèvent sous le regard impuissant de Jimmy et Sean. Dave s’échappera de ses bourreaux, mais la vie ne reprendra pas son cours normal pour les amis d’enfance qui, incapables d’aborder cette douloureuse épreuve, se sépareront.
Co-écrit par Clint Eastwood et Brian Helgeland (scénariste de Blood Work) d’après le roman à succès de Dennis Lehane, Mystic River met en scène trois personnages complexes, Jimmy (Sean Penn), Dave (Tim Robbins) et Sean (Kevin Bacon), qui se retrouvent 25 ans après le drame initial, alors que l’on découvre le cadavre de Katie, la fille de Jimmy, sauvagement assassinée sans motif. Ensemble, les trois hommes évoquent difficilement le passé, la présence de Dave éveillant le malaise; chacune de leurs rencontres démontre avec éloquence qu’ils ont été marqués par l’enlèvement de Dave. Plutôt que de les unir, leur malheur commun ne fait qu’accentuer leurs différences, lesquelles les rendent encore plus difficiles à saisir, éveillant tour à tour sympathie, mépris et suspicion.
Jimmy, qui a purgé quelques années de prison pour vol, est prêt à tout pour venger la mort de sa fille avec l’accord tacite de sa seconde femme (efficace Laura Linney), enquêtant sur la mort de Katie avec un partenaire prompt à sauter aux conclusions (effacé Lawrence Fishburne); Sean, privé de sa propre fille à la suite d’une séparation, se sent partagé entre sa soif de justice et le désir de vengeance de Jimmy; quant à Dave, toujours hanté par ses cauchemars de jeunesse, il vivait modestement de petits boulots jusqu’à ce qu’il rentre à la maison les mains ensanglantées le soir du meurtre. Devant l’attitude étrange de Dave, sa femme Celeste (touchante Marcia Gay Harden) en vient à croire qu’il est l’assassin de Katie.
Mystic River se révèle un film aussi sombre que fascinant grâce à son intrigue policière qui nous tient en haleine du début à la fin, à sa psychologie fouillée et à sa morale déroutante qui soulève quelques questions cruciales (par exemple: Doit-on laisser un parent venger la mort de son enfant?). Servi par la trame sonore mélancolique du réalisateur et par la photographie soignée de Tom Stern (notamment chef éclairagiste d’Unforgiven), Mystic River séduit par sa mise en scène discrète qui laisse la part belle aux acteurs. Rappelant le jeune Dirty Harry, Kevin Bacon offre un jeu solide qui sert parfaitement l’interprétation intense de Sean Penn, déchirant en père endeuillé, et celle de Tim Robbins, magnifiquement nuancée. Du grand Eastwood.
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