Rétrospective Aki Kaurismäki : La condition humaine
Cinéma

Rétrospective Aki Kaurismäki : La condition humaine

Du 4 au 18 mars, la Cinémathèque québécoise propose une rétrospective à ne pas manquer. Au programme: 20 films du réalisateur AKI KAURISMÄKI, maître incontesté du cinéma finlandais à partir des années 80. "Je suis une sorte de monstre qui a dû naître trop tard. Je déteste le monde moderne. (…) Sachez que je suis complètement fou, que j’aurais été à ma place parmi les surréalistes. Je suis le premier être humain dont la tête est une pomme de terre et vous êtes la première personne qui interviewez une pomme de terre", déclarait le farfelu dans le cadre d’une entrevue accordée à la revue Télérama. Voilà un avant-goût du ton pince-sans-rire du personnage…

Avant de se lancer en réalisation, celui qui fut maintes fois comparé à Robert Bresson ( par sa mise en scène épurée, son respect du silence (Kaurismäki a signé notamment Juha, film complètement muet) ( a exercé plus d’une vingtaine de petits métiers. Facteur, plongeur… ces expériences ont toutes éveillé chez lui une conscience sociale dont ses films se font le reflet. En témoigne sa "trilogie ouvrière": Ombres au paradis (1986), Ariel (1988), La Fille aux allumettes (1989), mais encore Au loin s’en vont les nuages (1996) et L’Homme sans passé (2002), qui abordent la réalité du chômage et des sans-abri. Sans jamais faire dans le misérabilisme, Kaurismäki chante la dignité des milieux humbles. Il parle de l’urbanité des laissés pour compte. Ses personnages sont des êtres perdus, déambulant dans un monde grugé par la modernisation. N’allez pourtant pas croire que tout soit gris et triste dans cet univers. Au contraire. Par un humour grinçant, en décalage, le réalisateur bouscule les valeurs du monde occidental. Du pessimisme ambiant émanent alors une lumière, une poésie du geste, virtuosité à rendre l’impalpable derrière des visages abîmés. Et puis il y a cet humour de l’absurde, le kitsch d’objets récurrents comme la Cadillac, le juke-box et les vieux transistors qui font la signature du réalisateur.

Parmi les 20 films présentés (incluant longs et courts-métrages), on suggérera quelques incontournables. D’abord Leningrad Cowboys Go America (1989): road movie complètement loufoque racontant les mésaventures d’un groupe de rockeurs soviétiques en tournée aux États-Unis. De la toundra à New York, en passant par le Texas… lunettes de soleil, chaussures pointues et coiffure banane (un look signé Kaurismäki), nos sinistres lurons parcourent l’Amérique à bord d’une Cadillac. Une fable surréaliste et hilarante.

Dans un registre un peu moins absurde, on pourra voir Ariel, premier opus de la trilogie prolétarienne. Dédiée à "la mémoire de la réalité finlandaise", cette comédie noire raconte les petits métiers, le gangstérisme, mais surtout la soif d’un Ailleurs où tout est possible. Deuxième film de cette trilogie, La Fille aux allumettes nous plonge dans la vie d’une jeune ouvrière aux yeux tristes, anéantie par ses rêves de prince charmant. À travers une mise en scène sobre, silencieuse, le cinéaste brosse un portrait corrosif de la désillusion.

De même pourra-t-on apprécier La Vie de bohème (1992). Tournée en noir et blanc dans un Paris atemporel, cette adaptation d’un texte d’Henri Murger nous fait suivre les boires et déboires d’un trio d’artistes ratés. Un tableau caustique et touchant de la petite misère au quotidien. À ne pas manquer aussi: L’Homme sans passé (Grand Prix du jury, Cannes 2002), fable lumineuse dans laquelle un homme se voit renaître de l’oubli. Kaurismäki chante avec une poésie rare la solidarité au cœur d’un espace urbain qui oublie ses pauvres.

Le tout est accompagné de l’exposition Ombres au paradis ( du 4 mars au 18 avril, au Foyer Luce-Guilbeault de la Cinémathèque -, regroupant une série de 45 photographies de plateau de Marja-Leena Hukkanen, scripte et photographe sur différents tournages du réalisateur. De quoi se régaler, en somme…

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