Make money. Salut, bonsoir! : Usine toxique
Cinéma

Make money. Salut, bonsoir! : Usine toxique

"Ça a pas de conscience, une grosse compagnie de même!" s’exclame un ancien ouvrier de l’usine Gaspé à Murdochville, filiale de la multinationale Noranda. La fermeture de la fonderie de cuivre, en 2002, sonna le glas pour la population de cette petite ville industrielle de la Gaspésie. Depuis 50 ans, elle employait 300 hommes qui se retrouvèrent, du jour au lendemain, sans travail, sans avenir, sans pension et sans même pouvoir obtenir un prix décent pour leur maison. Ce documentaire poignant, coréalisé par Christian M. Fournier (auteur du documentaire sur les effets pervers des vidéo-pokers, Maudite machine!) et Martin Frigon, se penche sur ces récents événements qui déchirèrent la ville moribonde.

Depuis la dernière coulée de cuivre, en août 2002, jusqu’à aujourd’hui, on suit la bataille que mènent d’ex-employés de l’usine. Ils se battent pour obtenir un dédommagement de la compagnie qui a préféré s’installer au Chili, ils se battent pour que le gouvernement ne les laisse pas tomber, ils se battent également contre la maladie. Car pendant toutes ces années, la compagnie acheta, à moindre prix, ce qu’on appelle du "rebus", c’est-à-dire des minerais qui contiennent du cuivre, mais celui-ci doit être extrait d’un paquet de cochonneries comme le béryllium, substance hautement toxique. Certains en sont morts et d’autres, encore jeunes, voient leur santé hypothéquée à jamais. "Mon rêve, ç’aurait été de m’acheter un cheval à ma retraite. Jamais je me serais vu prendre un paquet de médicaments, avec un paquet d’effets secondaires… Ils nous ont volé nos rêves", lance, la gorge serrée, l’un des très beaux personnages de ce film qui aurait pu s’intituler, en grosses lettres: INJUSTICE. Ce n’est pas tout: la compagnie Noranda a pris soin de faire signer des quittances à ses anciens employés: ils obtiennent ainsi une prime, mais s’engagent à ne jamais la poursuivre. Un petit groupe de huit hommes (sur 300!), les figures centrales du film, refusèrent le marché. En 2003, ils apprirent que depuis 10 ans, la compagnie, la direction de la santé, les CLSC de la région et le syndicat des métallos savaient que la concentration en béryllium dépassait de 250 fois la norme… Ils poursuivent aujourd’hui la compagnie Noranda au criminel et gardent l’espoir, peut-être insensé, que justice leur soit rendue.

Ce film nous touche, nous bouleverse et nous révolte. À travers des hommes qui souffrent, nous prenons une fois de plus conscience de la prédominance du profit sur la vie de quelques numéros qui travaillent en usine. Les réalisateurs ont choisi de ne nous montrer que les ouvriers, abandonnés à eux-mêmes dans une ville fantôme. Où sont donc les patrons de l’usine? Partis faire encore plus de profit ailleurs… Où sont donc les journalistes? Passés comme une tornade et repartis à la recherche d’autres cadavres… Les politiciens? À la télé, à la radio, annonçant qu’ils cherchent toujours des solutions…

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