Du soleil plein la tête : Raison/passion
Imaginez si nous pouvions effacer de notre mémoire tous nos mauvais souvenirs reliés à nos anciennes amours. Cela nous empêcherait-il de commettre les mêmes gaffes? Pas sûr, ne raconte-t-on pas qu’en amour, on répète toujours le même schéma… Deuxième collaboration entre le réalisateur Michel Gondry et le scénariste Charlie Kaufman (Dans la peau de John Malkovich, Adaptation) qui nous avaient offert le décevant Human Nature, Du soleil plein la tête nous entraîne dans les méandres de la mémoire d’un amoureux éconduit.
Apprenant que sa copine Clementine (Kate Winslet, toujours aussi rafraîchissante) l’a fait bannir de sa mémoire, Joel (Jim Carrey, étonnamment sobre et charmant) décide de contacter l’agence Lacuna que dirige le docteur Howard Mierzwiack (l’excellent Tom Wilkinson) afin de subir la même opération. Toutefois, durant le processus, Joel luttera pour préserver en mémoire quelques pans de son histoire d’amour avec Clementine, alors que l’un des assistants du bon docteur (efficace Elijah Wood) tentera de séduire la belle en s’inspirant des souvenirs du patient.
Servi avec un brin de romantisme, un zeste de mélancolie et une bonne dose d’humour noir, Du soleil plein la tête…, dont le titre renvoie à un poème d’Alexander Pope, se révèle une comédie sentimentale qui s’éloigne enfin des sentiers battus: exit le happy end avec baiser langoureux, soleil couchant et coups d’archet bien sentis! Chez Kaufman, qui crée ici un univers moins tordu qu’à l’habitude, les amoureux, l’un terne, l’autre imprévisible, paraissent empêtrés dans une banale romance condamnée à l’échec. Pas de place pour les fleurs bleues; ici, l’amour est gris.
Heureusement, la signature du brillant scénariste a tôt fait de se manifester lorsque le récit bascule dans l’irrationnel. Impasses, répétitions, dialogues décalés, disparition et dédoublement des personnages et des décors: rien dans la mise en scène inventive de Gondry n’a été négligé pour illustrer l’atmosphère oppressante du mauvais rêve duquel le personnage de Carrey, assailli par les contraintes de la réalité et les traumatismes liés à l’enfance, tente de s’échapper. Malgré une sensation de déjà-vu, pensons notamment à Ouvre les yeux d’Alejandro Amenabar, et de facilité, nous sommes à des lieues des cauchemars éveillés de David Lynch. Du soleil plein la tête s’avère une irrésistible introspection dans les dédales de l’inconscient dont le constat laissera un arrière-goût amer. Ludique, grinçant et intelligent.
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