The Company : Esprit de corps
Cinéma

The Company : Esprit de corps

Avec son dernier film The Company, le réalisateur Robert Altman ne pose pas un regard caustique sur une partie de la société tel qu’il a pu le faire dans ses œuvres maîtresses Nashville et The Player. Il n’est pas question non plus d’habiles chassés-croisés, comme dans Short Cuts. Cette fois-ci, Altman adopte plutôt la position d’un observateur discret, prenant comme sujet l’univers du ballet contemporain. Ce genre de point de vue en retrait de la caméra donne droit à un traitement un peu effacé et sans grand relief, ainsi qu’une impression de quasi-documentaire qui, par moments, transforme le spectateur en voyeur. Or, c’est la présence charismatique de Malcolm McDowell, dans le rôle du directeur artistique d’une compagnie de ballet et celle de Neve Campbell, dans celui d’une prima ballerina – qu’elle incarne avec talent ? qui nous ramènent à la fiction; celle-ci se situant tout près de la réalité, car Altman a su relever avec finesse les éléments qui caractérisent le milieu de la danse.

D’abord, McDowell prend littéralement possession de l’écran à chaque apparition, tout comme on sent qu’il prend le contrôle de "sa compagnie" en incarnant un directeur passionné, visionnaire et paternaliste. Des traits de caractère que l’on peut retrouver chez de nombreux individus qui occupent cette fonction. Aussi nous montre-t-on le côté arriviste de certains danseurs étoiles; les nombreuses blessures corporelles qui surviennent et qui font le malheur des uns et le bonheur des autres; le rythme surhumain que ces artistes doivent endurer; les corps-instruments qui perdent inévitablement leur pudeur; la hiérarchie à respecter; les parents ambitieux qui gèrent le talent de leur enfant et qui lui imposent une pression énorme; le stress, l’angoisse, l’incertitude; le côté glamour qui cache "en coulisse" des interprètes mal payés qui doivent souvent occuper un deuxième emploi, à la fin d’une journée déjà bien remplie, pour pouvoir payer le loyer.

Mais surtout, la force de ce film réside en la présentation de magnifiques séquences de danse interprétées par le Joffrey Ballet de Chicago (et Neve Campbell). Le long métrage ouvre d’ailleurs sur l’œuvre historique Tensile Involvement (1953), chorégraphiée par Alwin Nikolais, l’un des plus grands techniciens de la modern dance des années 60. Nous avons également droit à la présence de Lar Lubovitch – disciple de Martha Graham – qui vient monter sa pièce My Funny Valentine pour la compagnie de ballet. Ce touchant duo sera dansé par Neve Campbell et son partenaire, en plein air, sous un orage naissant dont l’atmosphère pré-apocalyptique accentuera les effets de la danse. On nous a même fait l’honneur d’incarner l’excentricité à travers le rôle du chorégraphe québécois Robert Desrosiers. La projection se termine d’ailleurs sur son œuvre colorée The Blue Snake (1989).

Ce film, né du désir de l’actrice Neve Campbell – ancienne élève de la National School of Ballet (Canada) – de présenter la vie d’un corps de ballet, s’adresse donc davantage aux adeptes et amateurs de danse qu’aux cinéphiles avertis.

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