La Fille du New Jersey : Bonjour l’ennui
Qu’est-ce qui se passe avec Kevin Smith? Après ses portraits prometteurs de la génération slackers (Clerks, Mallrats, Chasing Amy), l’interprète de Silent Bob avait bifurqué du côté de la grosse comédie débile avec Dogme, réflexion infantile sur la religion, et le road movie burlesque Jay et Bob contre-attaquent. Au moment où il récidive avec La Fille du New Jersey, son œuvre la plus personnelle au dire même du réalisateur, on se demande si la paternité n’a pas embrouillé tout à fait l’esprit de celui qui s’annonçait comme un habile et mordant dialoguiste, tant cette bluette se révèle insipide.
Inspiré par l’amour qu’il voue à sa femme et à sa fille, Smith a donc pondu cette comédie sentimentale débutant sur une note tragique. Au sommet de sa carrière dans l’industrie du disque, Ollie Trinké (Ben Affleck) s’éprend d’une éditrice (Jennifer Lopez) avec qui il aura une charmante fillette. Ah non! Pas l’infernal duo Bennifer! Pitié, ne nous refaites plus le coup du lamentable Gigli! Heureusement pour nous tous, l’exécrable J-Lo nous fait la grâce de rendre l’âme à la suite d’une scène d’accouchement, laquelle est sans doute la moins crédible ayant été vue au cinéma. Jamais un quart d’heure n’aura paru aussi long.
Ébranlé, le pauvre Ollie aura de la difficulté à conjuguer paternité et travail. Ayant perdu son emploi après une bourde monumentale, il quitte New York et s’installe chez son père (George Carlin, qui attend vainement de se mettre en bouche quelques répliques savoureuses) dans une banlieue du New Jersey. Sept ans passent pour nous présenter Gertie (Raquel Castro, assez naturelle et pas trop gnangnan), devenue une jeune fille délurée, et pour faire entrer en scène une Liv Tyler convaincante en commis de vidéoclub à la libido bien assumée. Une fois tous ces éléments installés, le réalisateur-scénariste se met sur le pilote automatique et livre une suite de scènes toutes plus prévisibles les unes que les autres.
Et le beau Ben dans tout ça? Il prouve une fois de plus que l’habit ne fait pas le moine: qu’il revête le costume moulant de Daredevil, emprunte les ailes d’un ange rebelle ou parade en Armani, le coscénariste du Destin de Will Hunting n’arrive jamais à nous faire croire à une quelconque émotion. Aussi pénible qu’un mal de tête tenace.
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