La Peau blanche : L'amour dans le sang
Cinéma

La Peau blanche : L’amour dans le sang

Pour son premier long métrage, DANIEL ROBY, cadreur sur Hochelaga de Michel Jetté, a choisi d’adapter La Peau blanche de JOËL CHAMPETIER, un roman fantastique maniant habilement humour, sensualité et horreur.

En créant Zone Films, Daniel Roby avait l’intention de produire des films de genre, persuadé que le public québécois était prêt à cela, étant donné la popularité de la télésérie Fortier. Avec l’émergence des films de genre au Québec, celui qui a acheté les droits de La Peau blanche en 1998 constate qu’il n’était pas le seul à s’intéresser à ce type de cinéma: "On a grandi avec les Spielberg, Scorsese, Cronenberg, Lynch et les frères Coen, qui nous ont amenés à faire du cinéma de genre. Il y a une place pour le cinéma d’auteur et le cinéma de genre, qui porte également une signature, car c’est important qu’il y ait une diversification."

Gaspésien venu étudier la littérature à Montréal, Thierry (Marc Paquet) vit en colocation avec Henri (Frédéric Pierre), Québécois d’origine haïtienne. Un soir d’automne, alors que les deux comparses ont recours aux services de prostituées, Henri passe tout près de se faire égorger par la rouquine Marquise (Jessica Malka) qui parvient à s’échapper sans laisser de traces. Quelques mois plus tard, Thierry rencontre une jeune pianiste qui a tout pour lui déplaire: une chevelure de feu et un teint laiteux. Contre toute attente, il s’éprend de la belle Claire (Marianne Farley) qui l’étonnera par son insatiable appétit sexuel, ce qui amènera Henri à enquêter sur la vraie nature de l’envoûtante rousse.

Dans le roman, le narrateur est français; pourquoi avoir fait de Thierry un Gaspésien? "En toute honnêteté, explique Daniel Roby, qui coiffe les chapeaux de réalisateur, de coscénariste (avec Joël Champetier) et de producteur, ça m’achalait que Thierry soit français! À la lecture, ça va, grâce au contraste entre ses illusions sur le Québec et la réalité; mais à l’écran, je ne voulais pas trop de différence entre les accents d’Henri et de Thierry."

Sur papier, La Peau blanche comporte énormément de passages érotiques; toutefois, Roby a su éviter habilement de tomber dans le vulgaire thriller racoleur en s’intéressant davantage à la bizarrerie de Claire, ainsi qu’à l’amitié entre les deux colocs. Chez Champetier, Claire refuse obstinément d’utiliser des préservatifs, contrairement au film; vouliez-vous éviter de vous faire reprocher d’illustrer des relations sexuelles à risque? "Honnêtement, je croyais moins à cet aspect-là dans le roman, d’avancer Roby, je préférais donc utiliser les condoms pour suggérer à quel point Claire est tordue!"

En dehors de quelques considérations amusantes sur la littérature populaire ( le pauvre Michel Tremblay en prend pour son rhume! -, La Peau blanche évoque des questions délicates sur l’évolution des races par le biais de Marie-Pierre (Joujou Turenne), la tante de Thierry, qui avance que la race noire est supérieure à toutes les autres, qui ne seraient que des mutations génétiques. Or, les personnages haïtiens passent de bien mauvais quarts d’heure dans La Peau blanche… D’après vous, cela pourrait-il être mal perçu dans la communauté noire? "La semaine dernière, mon directeur de post-production, Marc-André Ferguson, a présenté le film en circuit fermé pour parler de la production indépendante numérique en Afrique du Sud. Les quelque 300 personnes de race noire qui y assistaient ont vraiment aimé ça; quand Marie-Pierre a fait son discours, tous ont applaudi! Évidemment, ils se sont demandé pourquoi l’on réservait un tel sort à l’homme noir…"

David Cronenberg est-il l’un de vos maîtres à penser? "Absolument! Totalement! J’ai été fortement influencé par lui; d’ailleurs, j’étais tellement content que Cronenberg, un réalisateur canadien qui a fait des films de genre majeurs dans les années 70, accepte de nous laisser inclure un extrait de Rabid gratuitement. Dans son rythme, La Peau blanche ressemble aux films des années 70. Aujourd’hui, on n’accepterait pas de faire un film comme Rosemary’s Baby parce que c’est trop lent; à part M. Night Shyamalan, peu de gens font encore des films de cette lenteur."

De fait, l’on remarque très tôt dans La Peau blanche cette lenteur dans le rythme, ce qui crée un climat à la fois torride et mystérieux, tel qu’on le retrouve chez Champetier. Toutefois, cet effet de langueur ne sert pas nécessairement le suspense, puisque l’on aura deviné bien avant la moitié du film ce que sont Claire et sa famille, même si les scénaristes ont retardé des événements et changé l’ordre des scènes. En revanche, le ton s’avère aussi vivant que dans le roman grâce au talent de dialoguiste du romancier, ainsi qu’au jeu naturel des jeunes interprètes.

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