Wheel of Time : La route silencieuse
Cinéma

Wheel of Time : La route silencieuse

L’un des grands maîtres incontestés du nouveau cinéma allemand des années 70 et 80, Werner Herzog, affirme avoir fait avec son dernier documentaire The Wheel of Time l’un de ses films les plus physiques. Pourtant le sujet en est hautement spirituel: le pèlerinage d’un demi-million de bouddhistes vers Bodh Gaya dans le nord de l’Inde. Ce rituel se nomme le Kalachakra et mène les fidèles vers l’arbre sous lequel Bouddha fut illuminé.

Herzog n’en est pas à sa première œuvre documentaire, malgré qu’elles aient souvent moins retenu l’attention que ses films Aguire la colère de Dieu ou Fitzcarraldo par exemple. Dans ce genre, le cinéaste affirme vouloir aller plus loin que le cinéma-vérité qui selon lui ne fait qu’effleurer le réel. Ce qu’il recherche c’est "l’extase de la vérité". Rien de moins.

Pour cette raison, il laisse dans son film une très large place aux images et très peu à la narration (qu’il fait lui-même). On est tout d’abord séduit parce que le travail de la caméra est souvent époustouflant et les images sont superbes, mais de nombreuses pauses de silence qui font naître trop d’interrogations laissées sans réponse deviennent agaçantes. Herzog, qui ne connaissait rien au bouddhisme avant de tourner le film qu’il a même hésité à entreprendre, a voulu ici se dissocier d’une sorte de "tourisme occidental des religions". Cependant, bien qu’il y ait des extraits d’entrevue avec le Dalaï Lama (qui ne nous apprennent rien de nouveau), Herzog semble être victime d’une sorte de snobisme en ne donnant pas assez d’explications sur la philosophie bouddhiste. De plus, le film ne garde pas le cap: il dévie de l’Inde grouillante de vie et de fidèles à un auditorium froid en Autriche où le Dalaï Lama dirige la fabrication d’un mandala. Ensuite, il se déroute encore de l’extrême dévotion des bouddhistes qui font le voyage en se prosternant à chaque pas dans une chorégraphie complexe (un Tibétain a ainsi mis trois ans et demi pour faire le voyage), à une entrevue qui détonne avec un autre Tibétain qui fut prisonnier des Chinois pendant 37 ans. Tous ces inutiles va-et-vient alors qu’on aurait aimé poursuivre dans l’atmosphère mystique des pèlerins, lors de leur voyage à travers les magnifiques montagnes; rester aux côtés des jeunes moines qui coursent à vive allure afin d’avoir l’honneur de servir les premiers le thé aux anciens; s’attarder plus longuement sur cet arbre de l’illumination. On aurait aussi aimé pouvoir comprendre le cœur des débats de cette gigantesque réunion de moines bouddhistes…

Il reste tout de même des images d’une grande beauté qui valent à elles seules le détour sur grand écran et de jolis moments révélateurs comme ce garde du corps du Dalaï Lama qui reste à son poste même si la salle s’est vidée. En un clin d’œil, Herzog nous rappelle ce que le "vide" signifie pour les bouddhistes: "cet homme ne protège pratiquement personne de presque rien".

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