Vues d’Afrique : Les 20es Journées du cinéma africain et créole
Qui aurait pu prédire, il y a 20 ans, qu’un festival consacré au cinéma africain prendrait tant d’importance dans le cœur du public québécois? Alors que certains organisateurs de festivals n’y accordaient aucune importance, des cinéastes et des journalistes ont voulu faire découvrir aux cinéphiles le cinéma africain et créole. Vues d’Afrique célèbre aujourd’hui son vingtième anniversaire. Même si certains souvenirs font encore souffrir, tels le triste centenaire de l’indépendance d’Haïti et les dix ans du génocide au Rwanda, le cœur est à la fête et le regard, tourné vers l’avenir. Bref survol d’une programmation qui ne cesse de s’enrichir d’année en année.
En quelques chiffres, la cuvée 2004 de Vues d’Afrique s’établit à plus de 180 œuvres en provenance de 35 pays. Au programme, 17 longs métrages, 21 moyens ou courts métrages de fiction et 84 documentaires jetteront un nouvel éclairage sur les cultures africaine et créole; parmi les principaux thèmes abordés, mentionnons l’enfance et des préoccupations toujours d’actualité comme le racisme, l’immigration et le sida.
Pour une deuxième année, le festival offre une section animation où figure A Royal Hunger de Wendy Morris (Afrique du Sud/Belgique), film en noir et blanc sans dialogues sur la colonisation belge en Afrique. À ne pas manquer, la rétrospective des films récipiendaires du prix Regard canadien, incluant La Patrie de l’homme fier d’Yves Langlois et Les Chemins de la mémoire, Haïti avant Duvalier de Frantz Voltaire.
Célébration du cinéma, des arts visuels, de la littérature et autres formes d’expression, Vues d’Afrique offre aussi des expositions portant sur les livres, la société et l’histoire, dont La Bataille d’Alger (une présentation du film de Gillo Pontecorvo aura lieu le 17 avril), ainsi que des discussions, des spectacles de musique, un défilé de mode et plusieurs événements spéciaux, tel le Kino-Kabaret.
Spécial Burkina Faso
Jumelé depuis 20 ans avec le Festival international du film d’Amiens et avec le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, pays d’accueil du 10e Sommet de la francophonie, Vues d’Afrique donne cette année une place d’honneur au cinéma burkinabé. Pour l’occasion, seront présentées deux œuvres de Gaston Kaboré: le Grand Prix de Vues d’Afrique 1985, Wênd Kûuni – Le Don de Dieu, qui raconte le sort tragique d’un jeune garçon, et Buud Yam (Quinzaine des réalisateurs 1997), un film sur la quête d’identité. Par ailleurs, l’ONF offrira un cours de maître, intitulé L’Héritage d’un conteur, avec le cinéaste. Soulignons également deux autres Grands Prix de Vues d’Afrique, Tilaï (1990) d’Idrissa Ouédraogo et Sia, le rêve du python (2001) de Dani Kouyaté.
Cinéma africain et créole
Film d’ouverture du festival, Tasuma de Kollo Daniel Sanou (Burkina Faso) traite, sur un ton léger et humoristique, des problèmes d’un ancien tirailleur de l’armée française qui tente de toucher sa pension. Sur une note beaucoup plus grave, Na Cidade Vazia, premier film de l’Angolaise Maria Joao Ganga, met en scène un jeune réfugié de la Croix-Rouge internationale qui se liera d’amitié avec un truand. Parmi les autres films de fiction à retenir, Le Silence de la forêt de Didier Florent Ouenangaré et Bassek ba Kobhio (Cameroun/Centrafrique), inscrit à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes l’an dernier, nous entraîne dans l’univers des Pygmées voulant s’affranchir des "grands hommes"; et Le Jardin de papa du Congolais Zeka Laplaine, en sélection officielle au Festival de Sundance cette année, un film empreint de sensualité traitant de la colonisation.
Les amateurs de documentaires, la plus importante section de Vues d’Afrique, seront servis à souhait. D’Algérie, Jean-Pierre Lledo nous présente Algérie, mes fantômes et Un rêve algérien. Témoignant du génocide de 1994, nous arrive Gardiens de la mémoire d’Éric Kabéra, du Rwanda. D’Afrique du Sud, Simon et moi, de Beverly Palesa Ditsie et Nicky Newman, rend compte des lourds ravages du sida sur le continent africain. Aussi, on traite de la mondialisation dans Conakry Kas de Manthia Diawara (Mali).
Regard du monde et Regard canadien sur l’Afrique et les pays créoles
Plate-forme propice aux riches échanges culturels, les catégories Regard du monde, regroupant 35 films, et Regard canadien, qui en comporte 20, nous permettent de découvrir les réalités africaines par le biais d’autres cultures, tant dans la fiction que le documentaire. Ainsi, avec Histoire de sable (Canada/Burkina Faso), Hyacinthe Combary renoue avec sa propre culture en s’intéressant au mode de vie des Attikameks; un documentaire qui établit d’étonnants parallèles entre deux mondes que tout semble séparer. Produit par les frères Dardenne, Je vous haime des Belges Isabelle Christiaens et Jean-François Bastin suit la chanteuse Caron qui tente de concilier la culture congolaise de son père et l’héritage belge de sa mère. One Love de Rick Elgood et Don Letts (Jamaïque/Angleterre) revisite Roméo et Juliette par le biais de la musique reggae. De Colombie, Del Palenque de San Basilio d’Erwin Göggel retrace l’itinéraire des esclaves ayant fui Carthagène aux 16e, 17e et 18e siècles. Enfin, seul long métrage de fiction canadien, le très attendu Love, Sex and Eating the Bones de Sudz Sutherland aborde avec humour les problèmes sexuels d’un photographe amateur de pornographie.
Un festival à suivre du 15 au 24 avril. Pour en savoir davantage, rendez-vous au www.vuesdafrique.org.