Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran : Le vieil homme et l'enfant
Cinéma

Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran : Le vieil homme et l’enfant

Au départ, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran est un court récit à la première personne destiné à la scène d’Éric-Emmanuel Schmitt (Le Libertin de Gabriel Aghion). Dernier volet d’une trilogie portant sur les religions, ce monologue prend sa source dans le désir du dramaturge, qui signe les dialogues de l’adaptation cinématographique de François Dupeyron, de créer un terrain d’entente pour les juifs et les musulmans.

Pour aborder ce sujet délicat, Schmitt s’éloigne de la réalité et du temps présent en s’inspirant de ses souvenirs d’enfance et de ceux de l’acteur Bruno Abraham-Kremer, qui a présenté Monsieur Ibrahim au théâtre. Respectant cette volonté, le réalisateur du troublant La Chambre des officiers filme, caméra à l’épaule, un pittoresque Paris des années 60 où évoluent des putes au grand cœur comme on n’en voit qu’au cinéma – plus précisément celui de la Nouvelle Vague, auquel on rend hommage avec l’apparition éclair d’Isabelle Adjani en Brigitte Bardot, version Mépris de Godard.

Vivant seul avec son père dépressif (Gilbert Melki, discret et convaincant), Moïse (Pierre Boulanger) s’échappe de son quotidien morne en écoutant des tubes yé-yé. Chaque jour, le gamin solitaire se rend chez monsieur Ibrahim (Omar Sharif); celui-ci, assis derrière le comptoir de son épicerie que l’on devine empreinte d’enivrants parfums de l’Orient, observe discrètement son entourage. Aux yeux du jeune garçon juif, qui lui vole de la marchandise sans scrupule, l’homme n’est qu’un Arabe. Or, l’épicier, natif de la Turquie, est un musulman soufi tirant sa sagesse du Coran. À son contact, l’adolescent de 12 ans, qui prétend en avoir 16 afin de pouvoir monter avec les jolies prostituées arpentant la rue Bleue, apprendra à mieux affronter la vie.

La simplicité désarmante de ce récit d’apprentissage en agacera sûrement plus d’un; d’autres regretteront, avec raison d’ailleurs, que l’auteur occulte les questions religieuse et politique derrière une accumulation de bons sentiments. Rectitude politique ou manque d’audace? Peu importe la réponse, Monsieur Ibrahim pose un regard bien superficiel sur le judaïsme et l’islam, et ce, malgré les tirades philosophiques inspirées du Coran dont sont truffées les répliques souvent savoureuses d’Ibrahim. Au fur et à mesure que se développe l’intrigue, force est alors de constater que la religion se révèle un mince prétexte pour relater les malheurs d’un gamin en mal de figure paternelle. Toutefois, en insufflant une certaine poésie à l’ensemble – notamment lorsque le vieillard et son protégé se rendent au pays des derviches tourneurs -, Dupeyron finit par gagner le spectateur qui se laissera emporter, à l’instar de Moïse, rebaptisé Momo puis Mohammed par le vieil épicier, dans un voyage initiatique aux allures des Contes des mille et une nuits.

Après plusieurs années d’absence au cinéma, hormis quelques bides alimentaires comme The 13th Warrior, l’impérial Omar Sharif, César fort mérité du meilleur acteur en février dernier, confère à son personnage un savant mélange d’émotion, d’humour et d’humanisme. Nullement écrasé par son prestigieux partenaire, le nouveau venu Pierre Boulanger fait montre d’un naturel étonnant. Un joli film au charme suranné qui fait du bien.

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