9e édition du Festival du film juif de Montréal : Une diaspora féconde
Cinéma

9e édition du Festival du film juif de Montréal : Une diaspora féconde

Le Festival du film juif de Montréal, vous connaissez? N’ayez crainte, il ne s’agit en rien d’une enfilade de vieux films sur l’immigration juive ou de théâtre yiddish filmé. En fait, pour sa 9e édition, le festival, qui aura lieu du 6 au 13 mai prochains, présente 27 films, des fictions et documentaires venus de près de 20 pays à travers le monde. La diaspora juive est ainsi fidèlement représentée grâce à une sélection vivante et d’une grande qualité.

"Il y a près de 70 festivals de films juifs autour du monde", explique Susan Alper, la pétillante fondatrice et directrice du festival. "Montréal étant une ville importante tant au niveau de son cinéma que de sa communauté juive, il semblait naturel que nous ayons aussi notre festival." L’événement, bien qu’encore relativement restreint, a tout de même pris pas mal d’ampleur depuis ses débuts. "La première année, nous n’avions que 18 projections, ayant toutes lieu dans la salle de l’ONF. Aujourd’hui, nous en avons 40, réparties entre la Cinémathèque québécoise, le cinéma Ex-Centris, le Musée des beaux-arts pour l’ouverture du festival et la salle de l’ONF. Chaque année, le public s’élargit", raconte fièrement madame Alper.

Du côté des documentaires, on retrouve entre autres cette année le délicieux film Divan de la jeune réalisatrice Pearl Gluck. Un périple qui emmène en Hongrie la cinéaste new-yorkaise, considérée comme le mouton noir de sa famille hassidique, à la recherche d’un divan familial et, par le fait même, de ses origines. Drôle, intelligent et merveilleusement bien construit, ce film est un petit bijou. Il traite de nombreux sujets importants et délicats, comme l’identité, la place des femmes dans la religion juive hassidique, les rapports familiaux, les jeunes qui ont rompu avec des traditions qu’ils jugent trop orthodoxes, mais toujours sur un ton très personnel, parfois même cynique. Le film My Architect: A Son’s Journey, en nomination aux derniers Oscars, est aussi une œuvre très personnelle. Elle relate le parcours de son réalisateur Nathaniel Khan, parti à la découverte de son père, le mystérieux Louis I. Kahn, célèbre architecte qui mena de front une triple vie amoureuse, et mourut alors que son fils n’avait que 11 ans. Pour les passionnés d’histoire du cinéma, on présente Dziga and His Brothers du cinéaste russe Yevgeni Tsymbal, un film qui raconte l’histoire des frères Kaufman, dont l’aîné, connu sous le nom de Dziga Vertov, fut le précurseur du cinéma-vérité, alors que ses frères, de leur côté, furent de grands directeurs photo. L’un d’eux reçut d’ailleurs un Oscar en 1926 pour son travail sur On the Waterfront, d’Elia Kazan. Un volet plus politique comprend des films tels que Behind Enemy Lines, un documentaire sur deux anciens amis, l’un journaliste arabe, l’autre policier israélien, qui, en pleine intifada, visitent ensemble des lieux qui, pour eux, symbolisent le conflit. Quant à Forget Baghdad: Jews and Arabs – The Iraqui Connection, il relate, à travers quatre septuagénaires, l’époque où juifs et musulmans vivaient ensemble en harmonie dans les rues de Bagdad.

Le film d’ouverture, présenté en grande première montréalaise, s’intitule Broken Wings, premier long métrage de fiction du réalisateur israélien Nir Bergman. Gagnant de nombreux honneurs, le film raconte l’histoire d’une famille en crise depuis la mort accidentelle du père. Un récit dur, mais empreint de tendresse, qui ne tombe pas dans le pathos. Cette année, deux films en français figurent au programme: Un monde presque paisible de Michel Deville, sur la difficile réorganisation des Juifs dans le Paris de l’après-guerre, une œuvre pleine d’espoir que Susan Alper associe à celles de Renoir; et Le Tango des Rashevski, de Sam Garbarski, avec Hippolyte Girardot, qui raconte les tribulations d’une famille juive laïcisée. Sympathique, mais pas toujours crédible. Le dernier-né de Margarethe Von Trotta, Rosenstrasse, se penche quant à lui sur un moment d’histoire peu connu de la Deuxième Guerre mondiale, alors que les épouses allemandes d’hommes juifs manifestèrent pour la libération de leurs maris. Notons également la présentation spéciale d’un film de 1916 d’Ernst Lubitsch (dans lequel il tient le rôle principal), Schuhpalast Pinkus, réalisé avant qu’il ne quitte l’Allemagne pour Hollywood. La projection sera accompagnée d’un pianiste, d’une percussionniste ainsi que d’un lecteur et traducteur d’intertitres.

Le festival est, comme l’affirme sa directrice, "un moyen agréable d’amener les gens à voir les choses différemment et à ouvrir leur esprit, surtout en ces temps d’intolérance". D’autant plus qu’on nous offre ici un bouquet fourni et coloré de films qui intéresseront assurément un large public.

Pour information sur la programmation: www.mjff.qc.ca