57e Festival de Cannes : Sirop de Cannes
Cinéma

57e Festival de Cannes : Sirop de Cannes

À quelques heures de la séance d’ouverture du FESTIVAL DE CANNES, la Croisette semble bien sombre malgré le doux soleil méditerranéen. Et l’on ne parle pas des nuages qui s’amènent pour les prochains jours… En fait, les intermittents du spectacle, qui ont réussi à faire annuler le Festival d’Avignon et les FrancoFolies de La Rochelle, menacent d’y faire leur tribune. Cannes "ne coulera pas des jours normaux", disent-ils, tout en promettant de ne pas toucher aux projections par respect pour la création. Survol d’un festival qui s’annonce mouvementé.

Tout paraît normal à première vue: les plages sont envahies par une foule bigarrée, parmi laquelle des pique-assiettes à la recherche de journalistes naïfs auxquels ils pourraient soutirer des faveurs; le tapis rouge à peine installé que déjà les flashs crépitent et que les badauds se préparent à se jucher dans leurs escabeaux pour apercevoir le sourire de Charlize Theron, d’Uma Thurman ou de Naomi Watts, ou pour admirer le très attendu Brad Pitt. Et pourtant quelque chose se prépare.

D’un côté, les intermittents prévoient une manifestation entre le Noga Hilton et le Palais le samedi 15 mai, soit au moment même où Eddie Murphy, venu présenter Shrek 2 (l’un des deux films d’animation en compétition avec le manga Innocence du Japonais Oshii), gravira pour la première fois les célèbres marches. De l’autre, les Cannois ont organisé pour mercredi matin une contre-manifestation baptisée "une marche pour les marches". On craint tant pour le Festival que le premier ministre Raffarin a demandé à l’UNEDIC d’engager la conversation avec les intermittents. Par ailleurs, ces derniers pourront compter sur l’appui d’Agnès Jaoui et de Michael Moore, tous deux en compétition avec Comme une image et Fahrenheit 911, de même que sur celui de Jean-Luc Godard (Notre musique, hors compétition) et de Pedro Almodovar, bien heureux d’ouvrir le Festival avec son quinzième long métrage – plus heureux encore d’être hors compétition, lui qui déteste ne pas gagner. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire, c’est un film espagnol qui ouvre le bal. La Mala Educacion met en scène un cinéaste (Fele Martinez) à la recherche d’un sujet pour son prochain film, renouant avec un ami d’enfance (Francisco Boira) qui lui remettra un manuscrit relatant leur jeunesse dans un internat religieux. Ce film noir du coloré réalisateur madrilène, auquel il a travaillé 10 ans, met également en vedette Javier Camara, touchant interprète de l’infirmier dans Parle avec elle, et celui dont on voit la belle gueule d’homme fatal dans tous les magazines people, Gael Garcia Bernal, découvert dans Y Tu Mama Tambien du Mexicain Alfonso Cuarfon. Travesti chez Almodovar, l’obscur objet de désir tient le rôle de Che Guevara dans Diaros de Motocicleta de Walter Salles, en compétition. Dans cette catégorie, se retrouvent aussi des ouvres des habitués de Cannes: 2046 de Wong Kar-Wai avec Tony Leung, Maggie Cheung et Gong Li (qui, selon certaines rumeurs, y tiendraient le même rôle), Clean d’Oliver Assayas, Exils de Tony Gatlif et La vie est un miracle d’Emir Kusturica. Lauréats de la Palme d’or en 1991 pour Barton Fink, les frères Joel et Ethan Coen ne devraient pas compter sur cet honneur avec leur décevant, bien que jouissif, The Ladykillers, film mineur qui permettra à Tom Hanks de se pointer le nez pour la première fois sur la Croisette. On mise aussi sur des cinéastes moins connus comme Lucrecia Martel (La Niña Santa), Park Chan-wook (Old Boy), Hong Sang-soo (La femme est l’avenir de l’homme) et Paolo Sorrentino (Les Conséquences de l’amour). Mentionnons, du côté des courts métrages en compétition, Accordéon de la Québécoise Michèle Cournoyer. Pour sa part, la catégorie Hors compétition s’annonce pour le moins hétéroclite avec des films tels que Kill Bill 2 de Quentin Tarantino, président du jury, Les Poignards volants de Zhang Yimou, Five d’Abbas Kiarostami, Troy, péplum de luxe de Wolfgang Peterson, Dawn of the Dead de Zack Snyder et De-Lovely d’Irwin Winkler, qui clôt le Festival, biographie romancée du compositeur Cole Porter avec Kevin Kline. Du côté d’Un certain regard, le séduisant acteur Sergio Castellito présente son long métrage Non Ti Muovere; notons également À tout de suite de Benoît Jacquot et 10 on 10 d’Abbas Kiarostami, deux cinéastes louangés par Cannes. Bref, 56 longs métrages, dont 46 en première mondiale, à découvrir en moins de deux semaines. Avec tout ce qu’il faut voir, souhaitons avoir le temps de faire quelques découvertes à la Quinzaine des réalisateurs, où Carole Laure présente CQ2, et à la Semaine de la critique… À suivre la semaine prochaine!