The Corporation : Le monstre
En articulant les propos d’une panoplie d’intervenants, MARK ACHBAR et JENNIFER ABBOT dénoncent ici les sociétés, ces entreprises qui, avec le temps, ont acquis un pouvoir effarant, sans pour autant avoir à assumer les responsabilités qu’il sous-tend. Un discours étayé et alarmant.
À travers les commentaires de PDG, de penseurs et de divers protagonistes du milieu – dont un espion industriel! -, The Corporation s’attarde à définir la nature, l’évolution, les impacts et les perspectives d’avenir des sociétés, ces personnes morales qui, ironiquement, ne le sont pas tant que cela… De leur apparition au début de l’ère industrielle jusqu’à leur actuelle omniprésence, en passant par des études de cas précis et révoltants, le film brosse un portrait plutôt sombre de ces entreprises, dont l’unique objectif est le profit, mais dont les activités ont des répercussions sur la vie quotidienne de chacun d’entre nous.
Dans la lignée de Michael Moore (qui, avec Jeremy Rifkin, Noam Chomsky et Naomi Klein, compte d’ailleurs parmi les analystes interrogés), Mark Achbar (coréalisateur de Manufacturing Consent) et Jennifer Abbot font du documentaire un objet non seulement d’information, mais aussi de prise de position. Si bien qu’ils ont beau dire qu’ils nous présenteront la société comme étant un paradoxe, autant créatrice de richesses que d’effets pervers, on comprend d’emblée que le second aspect primera. Ainsi, leur argumentation cherchera à contrebalancer le point de vue adverse si largement répandu en privilégiant une rhétorique dense et incisive. D’abord, par la présentation d’une vue d’ensemble réunissant quantité de situations dont on a déjà entendu parler, mais qui, ainsi filées et couplées à des faits qui nous demeuraient inconnus, apparaissent encore plus préoccupantes. Puis, par le développement d’exemples concrets, qu’ils prennent le temps d’approfondir – ce qui est plutôt rare -, et même, par la diffusion de renseignements plus délicats, lire accablants pour les principaux intéressés. Sans compter qu’ils soulèvent d’intéressants problèmes éthiques méritant réflexion. Le tout, de manière dynamique et sur une note sarcastique, notamment grâce au choix des images s’inscrivant en contrepoint du discours ou encore au recours à certaines métaphores, comme celle du portrait psychologique. Toutefois, on nous sert, en 2 h 24, une telle variété de renseignements, en telle quantité et à un rythme si soutenu que la saturation menace par moments. On comprend, certes, que les cinéastes en avaient long à dire sur le sujet (au terme de trois ans de tournage, ils avaient interviewé 70 personnes et possédaient 450 heures d’images), mais l’ensemble aurait peut-être gagné à être resserré. N’empêche, le coup porte.
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