Baboussia : Les poupées russes
Cinéma

Baboussia : Les poupées russes

Il y a dans le jeu des poupées russes une profonde métaphore de la filiation dont le beau et touchant Baboussia de Lidia Bobrova peut s’enorgueillir d’exprimer avec sobriété toute la tragique et actuelle réalité. Baboussia (Nina Choubina) est une fière dame de 80 ans qui, après s’être dévouée toute sa vie pour sa famille et sa patrie, se voit soudainement contrainte, à la suite du décès de sa fille et de la malveillance de son gendre, de quérir auprès de ses proches un foyer propice à la laisser jouir des quelques années de bonheur que la vie lui réserve encore. S’ensuit alors une véritable et cruelle odyssée au sein d’une descendance qui ne semble pas disposée à reconnaître en elle le parent envers qui on a une dette.

Aussi, c’est avec résignation que Baboussia constate le sacrifice de sa génération sur l’autel d’une "nouvelle Russie" égoïste et suffisante incapable de perpétuer son héritage et ses traditions. La vieille et tendre Baboussia représente ainsi le crépuscule d’une mémoire qui ne trouve plus dans la dernière des poupées russes, son arrière-petite-fille Olia, qu’une muette et miniature réplique, incapable de transmettre ne serait-ce qu’une parole salvatrice. Baboussia, c’est le récit d’une Histoire qui se meurt de ne plus trouver à qui se raconter et qui tente vainement d’être sauvée du gouffre auquel la condamne l’oubli de sa postérité.

Lidia Bobrova nous propose ici un troisième long métrage sobre et fort émouvant qui a la particularité d’exposer sans pathos aucun la situation dramatique à laquelle les aînés de notre époque font face. Quelle place ménageons-nous à nos parents? Quelle importance accorde-t-on à leur mémoire? Quel prix sommes-nous prêts à payer pour nous acquitter de notre dette morale envers ceux et celles nous ayant transmis l’Histoire qui nous préexiste? Malgré sa description quelque peu pittoresque des coutumes russes, Baboussia n’en pose pas moins des questions qui nous concernent tous; nous sommes et serons tous un jour appelés à faire face à la dépendance de nos parents. Mais au-delà des nécessités physiques et humaines que nous avons déjà du mal à satisfaire, c’est toute la question de l’héritage qui est en jeu, car à laisser ainsi nos aînés mourir dans l’oubli, nous nous autorisons implicitement à perdre une trace de notre Histoire.

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