57e Festival de Cannes : Moore et plus
Cinéma

57e Festival de Cannes : Moore et plus

Alors que certains pressentaient Wong Kar-Wai (2046) ou la jeune Lucrecia Martel (La Nina santa) comme lauréats de la Palme d’or, c’est finalement MICHAEL MOORE qui a décroché le gros lot. Et le jury de jurer qu’il s’agit d’un choix artistique et non politique… Et les intermittents de s’en retourner contents!

Le jury, présidé par Quentin Tarantino et formé de l’actrice française Emmanuelle Béart, l’écrivaine américaine Edwidge Danticat, l’actrice britannique Tilda Swinton, l’actrice américaine Kathleen Turner, l’acteur et scénariste belge Benoît Poelvoorde, le réalisateur américain Jerry Schatzberg, le réalisateur de Hong-Kong Tsui Hark et le critique finlandais Peter Von Bagh, le jury donc, qui pour la première fois dans l’histoire du Festival a dû expliquer ses choix, a salué tant le documentaire, format peu primé à Cannes, que le cinéma de genre et le cinéma d’auteur.

Ainsi, la Palme d’or est tombée dans les mains d’un Michael Moore visiblement ébranlé d’un tel honneur, lui qui avait pourtant reçu le Prix du 55e anniversaire de Cannes pour Bowling For Columbine. Bien que les membres du jury affirment haut et fort qu’il s’agit d’un choix artistique, ces derniers ont tout de même fait un beau pied de nez à l’Amérique en couronnant un film qui n’y a encore pas trouvé de distributeur. Grâce à ce petit coup de pouce, espérons que Fahrenheit 9/11 soit vu par le peuple américain. Le documentaire du chéri de Cannes – pourriez-vous croire qu’il provoquait autant d’émoi que le délicieux Gael Garcia Bernal chaque fois qu’il montait les marches du Palais? – a également reçu le Prix de la critique internationale du côté de la compétition officielle, de même que Whisky de Juan Pablo Rebella (Un certain regard) et Atash de Tawik Abu Wael (Semaine internationale de la critique).

Deuxième prix en importance, le Grand Prix est revenu à Old Boy du Coréen Chan-Wook Park, un film noir à la mise en scène électrisante pas très loin de l’univers du réalisateur de Pulp Fiction: "Ce fut une course très serrée entre ce film et Fahrenheit 9/11, a expliqué le président du jury. Cela s’est joué à deux voix près. […] Ce n’est pas un prix de consolation, car Old Boy a touché l’ensemble du jury." Étrange attribution que ce Prix du jury que se partagent Tropical Malady du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, film si déroutant que plusieurs ont cru que le projectionniste s’était trompé de film à la mi-temps, et Irma P. Hall, l’interprète irrésistible de la vieille dame dans la comédie de Joel et Ethan Coen, The Ladykillers.

Les Français ont eu la part belle en amassant trois prix grâce à Exils de Tony Gatlif (Prix de la mise en scène), au tandem Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri qui ont reçu le Prix du scénario pour Comme une image, ainsi qu’à Maggie Cheung, Prix d’interprétation féminine pour son rôle d’une junkie dans Clean d’Olivier Assayas; aux dires du jury, ces deux derniers prix allaient de soi. Grands favoris du côté des hommes, Gael Garcia Bernal, fort crédible en jeune Che Guevara dans Diaros de motocicleta du Brésilien Walter Salles, Jean-Pierre Bacri, égal à lui-même chez Jaoui, ou Tom Hanks, suave à souhait chez les Coen, se sont fait coiffés à l’arrivée par Yagira Yuuya, jeune acteur de 14 ans, pour sa prestation dans le touchant Nobody Knows du Japonais Kore-Eda Hirokazu.

Présidé par l’acteur et réalisateur Tim Roth, le jury de la Caméra d’or a remis son prix à Or (mon trésor) de l’Israélienne Keren Yedaya, ainsi que deux Mentions spéciales pour Passages de Yang Chao et Bitter Dreams de Mohsen Amiryoussefi. Pour sa part, le jury des courts-métrages, présidé par Nikita Mikhalkov, a décerné sa Palme d’or à Trafic de Catalin Mitulescu et son Prix du jury à Flatlife de Jonas Geirnaert. Parmi les prix décernés en marge de la compétition officielle, mentionnons le Prix de l’Éducation nationale remis à La Vie est un miracle d’Emir Kusturica, ainsi que le Prix François-Chalais et le Prix œcuménique dont a dû se contenter Walter Salles pour Diaros de motocicleta.

Certes, il y aura eu de grands oubliés comme Le Conseguenze dell’amore de Paolo Sorrentino, qui en a séduit plus d’un, 2046 de Wong Kar-Wai, qui avait présenté In the Mood for Love en 2000, ou The Life and Death of Peter Sellers de Stephen Hopkins où brille selon la rumeur Geoffrey Rush, mais dans l’ensemble le palmarès reflète bien la nature de la cuvée 2004: un foisonnement de genres et de styles où évoluent sur un même pied d’égalité les jeunes loups et les réalisateurs aguerris. On a déjà hâte à l’année prochaine…