Le Petit Jean-Pierre, le grand Perreault : Le dernier slow
Cinéma

Le Petit Jean-Pierre, le grand Perreault : Le dernier slow

Lorsque PAULE BAILLARGEON apprit que Jean-Pierre Perreault, le chorégraphe-scénographe et artiste-phare du Québec, approchait de son dernier souffle, elle voulut capter ce qu’il avait à dire avant le grand départ. Ce fut la dernière entrevue que le grand visionnaire aura donnée. Hommage…

Le dernier documentaire de la réalisatrice Paule Baillargeon (Claude Jutra, portrait sur film) a été lancé, le 6 juin dernier, en avant-première au Musée des beaux-arts du Canada dans le cadre de l’Hommage à Jean-Pierre Perreault du Département de la danse du Centre national des Arts. Paule Baillargeon y propose un portrait intimiste basé sur deux rencontres qu’elle a eues quelques semaines avant sa mort en décembre 2002. La réalisatrice avait d’abord été proposée par Jean-Pierre Perreault pour un projet de documentaire sur des duos de différents chorégraphes, mais très vite la maladie gagna le chorégraphe, malgré les nombreux projets qui l’attendaient encore. Paule Baillargeon a basé son documentaire sur ces rencontres où un Perreault amaigri par le cancer qui le rongeait s’est livré tout entier. "C’était très touchant, ça m’a donné une impression physique très étrange. Il était tout petit dans sa chaise, comme un petit enfant. Même si Jean-Pierre Perreault souhaitait vivre et espérait une rémission, je pense que dans le fond, il devait bien savoir que c’était sa dernière entrevue et donc, il essayait beaucoup, et avec succès, de dire les choses telles qu’elles étaient et avec le plus de sincérité possible", explique Paule Baillargeon, qui a aussi scénarisé le film. Dans son documentaire, elle glane des extraits des pièces fortes de l’œuvre de Perreault, dont l’incontournable Joe, mais également Stella, qui avait été boudée par la critique. "J’ai trouvé cette pièce extraordinaire, j’étais éblouie et émerveillée par le fait qu’il avait fait une pièce pour 24 femmes. Alors, je me suis donné le défi personnel de montrer la pièce et de la faire redécouvrir."

La trame du documentaire est basé au fil des extraits vidéo, des témoignages et des bribes de cette dernière entrevue. Un homme vêtu d’un long manteau et d’un chapeau évolue également dans le film, comme le personnage anonyme de Perreault, comme le témoin de cette fabuleuse histoire.

La réalisatrice traite également de la personnalité et de l’enfance de l’exceptionnel créateur connu comme un homme exigeant et extrêmement rigide: "Jean-Pierre Perreault disait toujours qu’il n’y avait pas d’histoire dans ses œuvres. Il m’a donc étonnée lorsqu’il m’a dit que son œuvre était en fait très personnelle, autobiographique, et que son manque d’affection de la part de sa mère se retrouvait dans son œuvre." Le documentaire questionne l’enfance persécutée de l’artiste, élevé dans une famille pauvre où la culture n’avait pas droit de cité. Il a été entouré aussi de morts précoces, celle de sa mère alors qu’il était âgé de 12 ans, de son père à 18 ans et plus tard d’une sœur. "Les pièces de Perreault étaient hantées par la mort. Je pense qu’il savait qu’il allait mourir jeune. Il voulait vivre cependant. Je pense qu’on peut accepter de mourir dans une certaine mesure, mais que l’esprit se révolte toujours contre ça".

D’autres révélations du chorégraphe ont foudroyé la réalisatrice qui lui avait demandé au préalable de lui parler en images le plus possible: "J’ai été émerveillée de l’entendre me dire: "Je pensais que j’étais le plus grand chorégraphe au monde." J’ai trouvé ça très beau qu’il me dise cela, c’était en fait qu’il pouvait tout dire à présent…"

L’Hommage à Jean-Pierre Perreault se poursuit jusqu’au 12 juin au Centre national des Arts. Des projections ultérieures dans la région seront annoncés sous peu.