Présence autochtone : Les Premières Nations se font leur cinéma
Terres en vues, société pour la diffusion de la culture autochtone et amérindienne des trois Amériques, présente à Montréal pour la 14e année le festival Présence autochtone. Cette fois-ci encore, le festival offre un généreux aperçu des pratiques traditionnelles et artistiques issues des peuples des Premières Nations. Qu’il s’agisse des arts visuels et médiatiques, de la danse ou de la musique, le festival propose à un public de tous âges la trop rare possibilité de découvrir l’existence d’une conscience et d’une activité artistique et culturelle différentes de celles auxquelles il est habitué. À elle seule, la diversité du volet cinéma et vidéo du festival étonne et permet au spectateur de constater qu’en marge du box-office et des cinématographies nationales persiste un cinéma souvent original et généralement dénué de considérations pécuniaires. Présence autochtone est l’occasion idéale pour cette cinématographie, d’ordinaire reléguée au rang de curiosité folklorique, de proposer de surprenantes œuvres qui, sans cet événement, n’auraient personne à surprendre.
Parmi celles-ci, notons le film On the Corner de Nathaniel Geary, dans lequel la comédienne mohawk Alex Rice tient le difficile rôle d’une jeune prostituée de 23 ans. Nathaniel Geary nous présente ici le drame d’une femme autochtone ayant quitté sa famille et sa réserve de Prince Rupert pour vivre et, surtout, survivre dans la violence et parmi les junkies d’un quartier chaud de Vancouver. Le jeune frère de cette dernière ira jusqu’à la rejoindre dans cet enfer duquel on ne peut espérer être réchappé sans y laisser en lambeaux nos dernières illusions. Ce film sans concession, d’une intense brutalité psychologique, représente bien les difficultés auxquelles fait désormais face une jeunesse déchirée entre des traditions populaires à perpétuer et des identités individuelles à forger. Par son sujet grave et en évitant de s’embarrasser inutilement d’une morale traditionaliste, On the Corner saura toucher un large public et démontrera par la même occasion qu’un certain cinéma autochtone ne connaît pas les réserves.
Toujours du côté de la fiction, le festival propose également une rétrospective de l’œuvre du cinéaste cheyenne-arapaho Chris Eyre, récompensé par un Prix du public au Festival de Sundance pour son premier long-métrage Smoke Signals (1998). Ce film, ainsi que quatre autres du réalisateur, dont le récent Edge of America (2003), sera présenté en exclusivité au Cinéma ONF. Ce sera alors l’occasion de découvrir l’œuvre d’un cinéaste intimement préoccupé par les questions d’histoire et d’identité. Des questions, on le devine, au centre de plusieurs courts métrages de fiction présentés dans le cadre du festival. Le documentaire, quant à lui, bénéficie d’une présence très remarquée avec, entre autres, un cycle consacré à la production, par Arthur Lamothe, d’une documentation unique sur la culture traditionnelle de la nation innue. Aussi la programmation du festival se partage-t-elle entre plusieurs documentaires autochtones faisant état d’une mémoire en péril (le touchant Qui se souvient de Minik? de Delphine Deloget) et d’autres souhaitant modestement faire connaître à une large audience d’ancestrales croyances et d’immémoriales coutumes (le surprenant Angakkuiit – Shaman Stories de Marianne Jones et Susan Underwood). Du 10 au 21 juin.