Les femmes de Stepford : Inoffensives
Cinéma

Les femmes de Stepford : Inoffensives

Parler ici de remake de la version de 1975 de The Stepford Wives, tiré du roman d’Ira Levin (Rosemary’s Baby), relève du sacrilège. Scénarisé par William Goldman (Butch Cassidy and the Sundance Kid, All the President’s Men), l’original, un suspense efficace à mi-chemin entre la science-fiction et l’horreur, se voulait une satire sociale. C’est d’ailleurs grâce à cette atmosphère sulfureuse et à ses propos féministes que le film connut un franc succès. À Stepford, banlieue cossue du Connecticut, les hommes y tuaient leurs femmes afin de les remplacer par des robots se comportant en parfaites ménagères.

Trente ans plus tard, dans la même banlieue aseptisée, les hommes désirent toujours dominer la gent féminine. Ne craignant plus la liberté des femmes, ils se désolent cependant des effets pervers d’un féminisme outrancier. Toujours un brin misogynes, les pauvres maris sont complètement dépassés par ces "superwomen", p-.d.g. de grandes compagnies, avocates célèbres ou écrivaines à succès, qui leur servent de femmes. "Les enfants te connaissent à peine", réplique Walter (Matthew Broderick) à sa femme Joana (Nicole Kidman), les deux étant venus s’installer à Stepford après que madame, une directrice de chaîne télévisée remerciée de ses services, fut diagnostiquée dépressive. Voilà l’unique bon coup de cette adaptation faite sur le mode comique, qui ne conserve de l’original ni l’intelligence ni la finesse.

Dénaturant le roman, le réalisateur Paul Rudnick en a fait une comédie totalement incohérente et bourrée de bons sentiments. Les personnages sont caricaturaux et ne rendent pas justice aux très bons comédiens qui leur donnent chair (Glenn Close, Christopher Walken, Bette Midler). Si quelques gags font sourire, ils sont rapidement noyés dans un flot de justifications des personnages. Rien ne nous est épargné, tout est souligné au crayon gras, et trois fois plutôt qu’une. Cependant, plusieurs détails restent inexpliqués, laissant entrevoir une réalisation et un scénario paresseux. Pourquoi les enfants ne s’étonnent-ils pas du changement de comportement draconien de leur mère? Pourquoi certaines des femmes font-elles des flammèches comme des cyborgs alors qu’elles portent de simples implants cérébraux? La fin catastrophique n’arrange rien. Alors que la version originale se terminait sur une note terrifiante, on nage ici en plein délire. Rudnick se permet tous les excès afin d’atteindre un risible happy end. La critique d’une Amérique blanche, blonde et républicaine qui se voudrait parfaite, mais qui cache bien des horreurs, n’était pourtant pas si loin. L’ironie, c’est que le film est devenu pâle et gentil… comme une femme de Stepford.

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