The Agronomist : Le défricheur
Cinéma

The Agronomist : Le défricheur

En relatant la vie de Jean Dominique dans son documentaire The Agronomist, le réalisateur américain Jonathan Demme brosse non seulement le portrait d’un homme remarquable, mais également l’histoire récente d’Haïti, à laquelle il fut intimement lié.

Grand défenseur de la démocratie, militant sans relâche pour les droits de l’homme, Jean Dominique fonde, en 1968, presque par hasard, l’unique radio libre du pays, Radio Haïti Inter. Il crée de ce fait une véritable onde de choc. Il diffuse de l’information en créole alors que le français, que parle l’élite, est la principale langue des communications. Contournant habilement la censure, le charismatique Jean Dominique éveille les consciences et dérange profondément la dictature de François "Papa Doc" Duvalier. Ce n’est pourtant qu’un début car, avec l’aide de sa compagne, la journaliste Michèle Montas, il figure sur la liste des instigateurs de mouvements populaires contre la dictature, y compris, plus tard, celle de Jean-Claude Duvalier, proclamé président à vie à l’âge de 19 ans. Ensuite, parce qu’il y croit, Jean Dominique appuie et contribue à l’élection démocratique de Jean-Bertrand Aristide. Aucunement intéressé par le pouvoir, mais profondément sensible au sort de la population haïtienne, il finira, au péril de sa vie, par lutter contre ce président gagné par la corruption.

En avril 2000, Jean Dominique est lâchement assassiné sur le seuil de sa station de radio. Jonathan Demme (documentariste mais également réalisateur de fictions telles que Le Silence des agneaux et Philadelphia), qui avait régulièrement interviewé le journaliste lors de ses fréquents exils aux États-Unis, répond à la mort brutale d’un "ami très cher " par ce film qui va bien au-delà du simple hommage. De nombreuses entrevues et images d’archives font revivre cet homme fascinant, adoré des Haïtiens, nous le rendant extrêmement attachant. Les pires choses, telles de répétitives attaques contre sa station de radio par les militaires, Jean Dominique les raconte en rigolant. Sans doute parce qu’il fait partie de ces êtres profondément humanistes, porteurs d’un espoir quasi sans faille. "Rien ne peut tuer la justice, rien ne peut tuer la vérité", disait-il.

L’admiration que nous vouons au personnage tout au long du film vient heureusement surpasser les quelques agacements que nous procure la mise en scène: le montage manque quelquefois de rythme et les effets de répétition sont dérangeants, la musique de Wyclef Jean (quoique très belle) est sur-utilisée, et le passage d’une époque à une autre n’est pas toujours très clair. Il y a aussi un manque de constance dans la façon d’inscrire du texte à l’écran et d’autres petits détails irritants. Il demeure cependant que l’on sort du film pratiquement soûlé d’avoir constaté tant de courage et de bonté humaine réunis en un seul homme.

Quel rapport tout cela a-t-il avec le titre du film? Jean Dominique était agronome de formation. Il souhaitait, en faisant ce métier, améliorer la vie des cultivateurs en perfectionnant les techniques agricoles. Finalement, il ne cessa de se battre pour eux, mais sur un autre terrain, en défrichant sans relâche un sol souillé qu’il savait pourtant infiniment fertile…

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