Depuis qu’Otar est parti : Charme authentique
Depuis qu’Otar est parti a déjà charmé pas mal de monde sur son passage avant de nous arriver. Le film fut déclaré Meilleure première œuvre de fiction aux derniers César, Prix du scénario Radio-Canada au FCMM, Caméra d’Or ainsi que Grand Prix de la Semaine de la critique l’an passé au Festival de Cannes.
Et pour cause, ce petit film dénué de toute prétention, d’une sincérité éclatante, possède du charme à revendre. Il raconte l’histoire de trois femmes vivant à Tbilissi, capitale décrépite de la Géorgie, ancienne république fédérée de l’URSS et oscillant désormais entre évolution et implosion. Ada (fantastique Dinara Droukarova), une jeune femme dans la vingtaine, y partage un vieil appartement avec sa mère Marina (touchante Nino Khomassouridze) et sa grand-mère Eka (Esther Gorintin, une actrice de 90 ans d’une sublime justesse). Dans ce pays où l’électricité coupe et revient sans crier gare, où les ingénieurs comme Marina doivent vendre leurs babioles aux puces pour survivre, où le communisme a laissé de profondes cicatrices, la vie n’est pas facile, et entre ces femmes de trois générations, les tensions sont palpables. Pour fuir le quotidien, elles rêvent d’ailleurs, de Paris, d’où Otar, le fils adoré d’Eka, envoie régulièrement quelques billets de banque à sa mère ainsi que des lettres écrites dans un français un peu vieillot. C’est que la France est présente partout dans la maisonnée depuis qu’Eka, il y a très longtemps, s’est entichée de la culture française. Cependant, l’annonce de la mort accidentelle d’Otar viendra chambouler la vie des trois femmes. Marina ne peut se résoudre à annoncer la triste nouvelle à sa mère et, avec la complicité d’Ada, elle va inventer un mensonge qui aura des répercussions inattendues.
À des kilomètres du misérabilisme, ce premier film de fiction de la réalisatrice Julie Bertucelli (ancienne assistante à la réalisation de Kieslowski et de Tavernier) est renversant d’humanité. Tout y est dépeint par petites touches d’émotion, sans que rien ne soit jamais forcé ni souligné. On sent très bien le passé de documentariste de la cinéaste. Les personnages complexes sont joués avec une authenticité étonnante par le magnifique trio de comédiennes. Une première œuvre d’une grande maîtrise, à la fois sensible et réfléchie, d’une réalisatrice plus que prometteuse.
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