Nos meilleures années, vol. 1 : Ils vont tous bien
Retracer l’histoire de l’Italie des années 60 à aujourd’hui, voilà une entreprise qui peut être périlleuse… et ennuyeuse. D’autant plus que pour nous raconter son histoire, le réalisateur MARCO TULLIO GIORDANA a pris le temps qu’il fallait, c’est-à-dire un peu plus de six heures. Fort heureusement, ce voyage dans le temps s’avère passionnant, surtout parce qu’il a pour centre la famiglia. Évidemment!
Nos meilleures années est d’abord une commande de la RAI (la télévision nationale italienne) qui souhaitait produire une série originale qui couvrirait un chapitre important de l’histoire italienne contemporaine, une sorte de "service public", comme le note le cinéaste Marco Tullio Giordana (Another World Is Possible, One Hundred Steps). Les conditions étaient alléchantes: un énorme budget, une grande liberté de création et du temps. Pour ces raisons, Giordana n’a jamais eu l’impression de tourner pour la télé, mais plutôt de bâtir une œuvre cinématographique entière. Ce qui fut confirmé lorsque, à Cannes en 2003, le film s’est vu remettre le Prix du jury (enchanté malgré les fessiers quelque peu endoloris…) dans la catégorie "Un certain regard".
Divisé en six épisodes d’une heure pour la télévision italienne, le film nous arrive en deux parties distinctes de trois heures et des poussières. Il raconte l’histoire, ou plutôt la saga, de deux frères, Nicola et Matteo, interprétés par de superbes acteurs, Luigi Lo Cascio et Alessio Boni. Soit dit en passant, il faut absolument voir la seconde partie du film, dont la sortie est prévue la semaine prochaine, pour ne pas rester sur la note suspendue qui boucle le premier volet. Celui-ci débute en 1966, à Rome, période durant laquelle les deux frères terminent leurs études pré-universitaires dans une sorte d’euphorie annonciatrice des événements de 1968. Bien que profondément différents, Nicola – lumineux, humaniste – et Matteo – ténébreux, artiste – partagent certains rêves comme celui de visiter le Nord de l’Europe, la Norvège surtout. Cependant, leur rencontre avec Giorgia (Jasmine Trinca, la jeune sœur de The Son’s Room), une jeune fille aux prises avec de graves problèmes mentaux, chamboule et influence leur vie à tout jamais. Matteo entre dans l’armée et se retrouve à la tête d’une troupe lors des révoltes estudiantines de 68, tandis que Nicola, décidé à devenir psychiatre, découvre les joies du peace and love norvégien. Plus tard, ils se retrouvent à Florence, lors de la grande inondation. Nicola y fait la connaissance de Giulia (Sonia Bergamasco), une jolie pianiste de Turin qui, des années plus tard, sacrifiera tout, enfant, musique et amoureux, pour rejoindre ses camarades de lutte terroriste dans les Brigades rouges. Fin du premier acte. N’allez cependant pas croire que tout est aussi simple. Le film nous présente dans son sillage un éventail de personnages complexes et colorés, dont les vieux copains, les parents, les sœurs ainsi que de nombreuses rencontres qui influenceront les destinées des deux frères, un peu à la façon de Rocco et ses frères de Luchino Visconti, dont le réalisateur avoue s’être inspiré.
Nos meilleures années réussit à nous captiver autant par ses très beaux personnages, magnifiquement campés, auxquels nous nous attachons dès le début, que par le fascinant portrait du pays dans lequel ils évoluent. Nicola, Matteo et les autres habitent pleinement leur époque. Ils incarnent cette volonté de renouveau de la jeunesse d’après-guerre, chargée des espoirs les plus beaux comme les plus destructeurs… Heureusement, le film ne donne pas l’impression que l’histoire n’est qu’un prétexte à une sorte de grand documentaire sur les moments cruciaux de l’Italie. Même les matchs de foot y sont, parce que Giordana parvient à lier la politique et la vie quotidienne de façon indissociable. Par moments, ça sent un peu le feuilleton téléphoné, à d’autres, ça glisse un orteil dans le mélo, mais on se laisse aller, puisque notre plaisir est simple, entier et respire la Toscane. Un beau film.
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