Le Coût de la vie : L’argent fait la farce
Inspiré et, de son aveu même, fasciné par l’histoire vécue d’une jeune fille d’artiste incapable d’assumer et de supporter sa condition de riche héritière, Philippe Le Guay (Les Deux Fragonards, L’Année Juliette, Trois huit) eut un jour l’idée d’élaborer un récit ayant pour thème les relations complexes qu’entretiennent l’homme et l’argent. De cette idée résulte Le Coût de la vie, une fable pécuniaire rigolote sans être désopilante, tragique sans sombrer dans le pathétique. S’articulant selon le principe du film choral – ces films dans lesquels s’entrecroisent plusieurs récits pour autant de personnages distincts (on pense à Short Cuts de Robert Altman ou à Magnolia de P.T. Anderson) -, Le Coût de la vie fait du rapport de l’homme à l’argent une conjoncture morale qui, comme la mort ou l’amour, fonde les comportements les plus aliénés aux névroses les plus profondes.
On retrouve dans le film de célèbres et talentueux comédiens dont la seule présence au générique semble garantir le succès de l’entreprise. Du lot, on retiendra Vincent Lindon, qui campe avec justesse le rôle du restaurateur idéaliste et dépensier incapable d’accepter la générosité d’autrui, Géraldine Pailhas en prostituée pour qui l’amour et le sexe en valent largement le prix, et Fabrice Luchini en radin compulsif dont la pingrerie le condamne à l’asociabilité et, étrangement, aux troubles entériques. À eux seuls, Lindon et Luchini constituent les pôles antagonistes du récit et, par conséquent, l’attention accordée aux autres personnages s’en trouve malheureusement amoindrie. Ainsi, il est désolant que le richissime et orgueilleux Nicolas de Blamond (toujours aussi agréable Claude Rich) ainsi que la touchante et conscientisée nouvelle chômeuse (hilarante et attachante Catherine Hosmalin) voient leur fonction narrative réduite, dans le premier cas, au cliché et, dans le second, à l’anecdotique.
Dans l’ensemble, Le Coût de la vie fait certes sourire et réfléchir, mais il ne réussit malheureusement pas à conserver le rythme de la première heure. Après que le récit eut magnifiquement et sincèrement tracé le portrait, tant psychologique qu’économique, des nombreux personnages, l’histoire s’épuise peu à peu dans les hasards et les coïncidences les plus banales et invraisemblables. Tant et si bien qu’on se demande si le message d’origine, animé d’une sympathique prétention behavioriste, profite au récit ou si ce dernier s’essouffle en tentant d’y retrouver le fil. Le réalisateur Philippe Le Guay dit avoir évité les sempiternelles rédemptions miraculeuses des personnages au profit d’un subtil changement d’attitude de ceux-ci envers l’argent et la névrose qu’il provoque. Or, malgré cette intention fort louable et, incidemment, réaliste, le changement s’avère si subtil qu’on parvient mal à juger de sa portée tangible: le radin dépensera-t-il toujours sans compter? Le prodigue s’avérera-t-il dorénavant parcimonieux? La jeune héritière parviendra-t-elle finalement à assumer sa fortune? Sans remettre en question la qualité certaine du scénario, force est de constater qu’il manque de cette poésie ou de cette douce folie qui auraient pu permettre au récit de faire mieux ce qu’il propose déjà très bien.
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