Nathalie… : Duo pour voix seules
Cinéma

Nathalie… : Duo pour voix seules

Plus que les retrouvailles du couple mythique de La Femme d’à côté de Truffaut, Nathalie…, d’Anne Fontaine, c’est d’abord la rencontre de deux voix: celle profonde et grave de Fanny Ardant, celle douce et rauque de  Béart.

Trompée par son mari Bernard (Gérard Depardieu, d’une sobriété exemplaire), Catherine (Fanny Ardant, tour à tour éclatante et sombre) engage Marlène (Emmanuelle Béart, à la fois angélique et sulfureuse), une entraîneuse de bar de nuit, qu’elle paiera pour coucher avec Bernard. Devenue Nathalie à la demande de Catherine, Marlène devra alors lui relater les infidélités de son mari.

D’abord charnels, les récits de Nathalie deviennent tendres; ce qui déplaît à Catherine, qui refuse de croire que son mari puisse aimer une prostituée. Blessée, Nathalie choisit de lui démontrer comment les hommes leur parlent vraiment; le langage se fait de plus en plus cru. Pour atteindre une justesse de ton dans les propos de Nathalie, Anne Fontaine (Nettoyage à sec) a fait appel à Nelly Arcan: "Une chose m’a marquée à la lecture de Putain, que j’avais trouvé très beau, et dans les discussions que j’ai eues avec des prostituées, se souvient Emmanuelle Béart, c’est qu’il n’y avait pas de jugement entre elles, presque une sorte de tendresse. Il y a chez Nathalie quelque chose de violent, qui fait partie de l’abstraction de son plaisir, mais je ne crois pas qu’elle déteste les hommes."

Cette violence que Nathalie porte en elle, elle l’exprimera en choisissant des mots qui atteindront directement Catherine qui ne pourra demeurer de glace, comme si elle la désirait: "Je crois que c’est un désir par procuration, avance l’actrice. Effectivement, il y a peut-être une sorte d’ambiguïté dans la relation qui pourrait laisser une fenêtre ouverte sur le désir de l’une à l’autre, car les corps se réveillent, mais je crois qu’il s’agit plutôt d’un désir de vie."

Film d’atmosphère reposant sur les contrastes – univers rouge et feutré de la prostituée, univers blanc et clinique pour la bourgeoise -, Nathalie… démontre une fois de plus le talent de Fontaine à disséquer les couples dysfonctionnels. Mais plus encore, Nathalie… prouve que les mots s’avèrent parfois plus puissants que l’image. Ainsi, à l’opposé du Romance de Breillat ou d’Intimacy de Chéreau qui brouillaient les limites entre cinéma d’auteur et pornographie, le film d’Anne Fontaine suggère plutôt qu’il ne montre, préférant laisser toute la place à l’imagination du spectateur. Chose presque trop rare au cinéma.

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