Le candidat mandchou : Le déclin de l’empire américain
Révolu, le temps où le peuple américain vouait une confiance aveugle à son président. Aujourd’hui, la démocratie est en péril et un vent de révolte souffle sur le pays en entier, faisant même grincer les sacro-saints rouages de l’inébranlable machine hollywoodienne. Fatigués de boycotter les French fries, en proie à un dégoût profond de leur politique, de plus en plus de cinéastes prennent le chemin de la contestation, espérant frapper là où ça fait mal. Nettement moins osé que le fameux Fahrenheit 9/11 de Moore, mais aussi beaucoup plus subtil, The Manchurian Candidate de Jonathan Demme (The Silence of the Lambs) s’inscrit dans la lignée. Ce remake du classique de 1962, qui mettait en vedette Frank Sinatra, propose une vision inquiétante de ce qui se trame réellement à la Maison-Blanche. Car il semblerait que Bill et Monica ne soient pas les seuls à en avoir exploré les sombres recoins…
Sinatra l’avait proclamé en 1991: bien que le succès remporté dans les années 60 ait été immense, Le Candidat Mandchou saurait avoir un impact encore plus important s’il venait à quelqu’un l’idée de le moderniser. Ce bon vieux Frankie avait raison: après avoir subi quelques retouches de fond et de forme, le film se révèle d’une cinglante actualité, d’autant plus que les allusions aux actions condamnables de l’administration en place pleuvent de toutes parts. Malheureusement, il manque l’étincelle d’audace qui aurait fait de ce thriller politique passable une satire remarquable de la démocratie américaine.
Comme s’il avait eu peur de ternir excessivement l’invulnérable bannière étoilée, Demme propose une critique de surface, ne se donnant pas la peine d’approfondir suffisamment les diverses polémiques qui meublent le scénario. L’ombre planant sur les souvenirs de Bennett Marco (efficace Denzel Washington), vétéran de la guerre du Koweït, s’étend sur toute la production, enlevant ainsi une solide dose de crédibilité à l’ensemble. Le traitement de la classique question "rêve versus réalité" souffre aussi d’un manque d’inventivité irritant: hallucinations, cauchemars et re-hallucinations. La formule, simpliste et désuète, jure avec le caractère novateur d’un récit ingénieux et angoissant. Mais malgré cette retenue, la virginale blancheur des habitants de la Maison se dote de la teinte écarlate des coupables, ce qui suffira à faire le bonheur des détracteurs de George…
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