Mes enfants ne sont pas comme les autres : L’opus de monsieur Dercourt
Dans le monde parfaitement rodé de la musique, les fausses notes résonnent bien plus souvent qu’on pourrait le croire. Si le commun des mortels n’a aucune difficulté à admettre que la perfection n’est pas de ce monde, il n’en va pas de même pour ces virtuoses du son qui travaillent avec un acharnement maladif à enrayer toute discordance pouvant nuire à leur technique. Et si par malheur un obstacle se dresse en travers de leur carrière, ils peuvent toujours compter sur leur descendance pour vivre l’existence dont ils avaient rêvé. Le cinéaste français Denis Dercourt (Les Cachetonneurs, Lise et André) n’est guère étranger à cet univers parallèle impitoyable où tout semble inhumain, surtout l’erreur. Altiste ayant perfectionné ses gammes au Conservatoire de Paris, il replonge en terrain connu pour offrir ce troisième long métrage qui pose un regard émouvant sur une passion pouvant se révéler destructrice lorsque jumelée à une ferveur démesurée.
Le violoncelliste Jean Debart (majestueux Richard Berry) n’est jamais parvenu à obtenir le titre tant convoité de soliste. Pour enrayer le sentiment d’amertume qui persiste malgré l’écoulement des années, il impose à ses enfants une discipline qui relève presque de la tyrannie. Le jeune Alexandre (légèrement agaçant Frédéric Roullier) se soumet à l’ambition du paternel sans protester, mais Adèle (stoïque Élodie Peudepièce) se rebelle contre son destin au fur et à mesure qu’elle découvre les prémices de l’amour.
Fidèle à lui-même, Dercourt privilégie la lenteur et l’austérité pour dépeindre un quotidien exempt d’exubérance. Une trame sonore splendide, dont chaque note est interprétée à l’écran et qui mêle les grands classiques de Schumann, de Brahms et de Beethoven à l’œuvre contemporaine de Monciero, rythme un récit tout aussi sobre que touchant. Même si l’on souhaiterait qu’il s’éloigne occasionnellement de sa partition aussi dépouillée que linéaire, on saurait difficilement reprocher au cinéaste cet alanguissement volontaire qui émane d’une succession de scènes meublées uniquement par des vides déroutants et des silences remplis de tension. Une ode mélancolique réfléchie qui rend justice à tous ces bourreaux de travail qui sacrifient leur vie au profit de leur art…
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