La Clairière : Porté disparu
Malgré l’impression de déjà-vu que suscite le sujet du film, La Clairière de Pieter Jan Brugge n’en demeure pas moins diablement efficace.
Bourgeois, visiblement heureux et libérés de tous soucis financiers, Wayne et Eileen Hayes (Robert Redford et Helen Mirren) ne se doutent pas que leur paisible vie va subitement bousculer dans le plus horrible des cauchemars. C’est par un matin comme les autres, en se rendant au travail, que Wayne est victime d’un enlèvement dont l’auteur, Arnold Mack (Willem Dafoe), prétend n’être que l’exécutant. S’ensuit une longue cavale dans les bois au cours de laquelle le kidnappé et le kidnappeur discuteront de sujets personnels et tisseront de la sorte des liens particuliers laissant paraître l’aube d’une certaine et complexe complicité. Pendant ce temps, Eileen, tentée d’abord de croire en une escapade extraconjugale, sombre peu à peu dans l’angoisse de l’attente et de l’incertitude. À cela s’ajoutent la rancœur et le dépit qu’elle éprouve en apprenant d’un enquêteur la liaison secrète que son conjoint entretenait, encore récemment, avec une ancienne maîtresse.
La Clairière tient le spectateur en haleine du début jusqu’à la fin. En alternant et en décalant de plusieurs heures les scènes où Eileen reçoit au compte-gouttes les quelques indices lui permettant d’espérer le retour de Wayne et les scènes où ce dernier négocie sa vie et sa liberté, le réalisateur exploite le manque à savoir du spectateur et favorise du même coup la persistance des plus sombres éventualités au plus heureuses perspectives. Aussi, rarement sommes-nous en mesure de deviner un possible dénouement.
Dans un style dépouillé et intimiste que la musique, bien que discrète, couvre d’une aura oppressante, La Clairière n’a certes pas la prétention d’impressionner son spectateur à grand renfort de bagarres. Épargné par les traditionnelles effusions de sang, bien qu’il s’agisse d’un thriller, on se surprend à se laisser séduire par une ambiance inquiète qui garde continuellement à l’écart le rythme haletant du drame policier habituel. Dans ce cas-ci, le suspense demeure diffus et rien ne laisse présager la fin. Hormis quelques scènes risibles qui détonnent au milieu de cette inquiétante atmosphère forte d’équivoque et d’incertitude (oublions ces moments où Eileen apparaît en vision champêtre à Wayne), La Clairière maintient le climat de tension dans cette heure et demie qui n’en paraît qu’une.
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