Oasis : L’amour enfermé
Toutes les histoires d’amour ne sont pas des sinécures. Prenez celle de Roméo et Juliette, par exemple. Pas simple… Imaginez maintenant que Roméo soit un débile léger et Juliette, une tétraplégique. C’est un peu ce que nous propose le réalisateur sud-coréen (et depuis quelques mois ministre de la Culture de son pays) Lee Chang-dong avec son troisième long métrage, Oasis. Gagnant de nombreux prix internationaux, il fut présenté à la Quinzaine des réalisateurs au dernier Festival de Cannes.
Jong-Du (l’excellent Sol Kyung-gu) rentre chez lui après trois ans passés en prison pour un délit de fuite mortel commis par son grand frère. Dès le départ, le jeune homme ne semble pas comme les autres. Il porte une chemise hawaïenne, alors que les gens qu’il croise sont chaudement habillés, et il renifle sans arrêt, se frottant constamment la main sous le nez (un tic légèrement exaspérant). Comme sa famille a déménagé sans l’avertir, c’est dans un commissariat de police qu’ont lieu les retrouvailles, au grand désespoir de ses frères. Ces derniers en ont vraiment assez de l’insouciance naïve et embarrassante du benjamin de la famille. Puis Jong-Du fait la rencontre de Gong-Ju (l’époustouflante Moon So-ri), une handicapée défigurée par des spasmes faciaux, incapable de mouvements coordonnés, et fille de l’homme tué dans l’accident de voiture. Elle fascine le jeune homme et, en cachette, il reviendra souvent lui rendre visite. Pratiquement abandonnée par son frère qui, grâce à elle, touche une allocation gouvernementale, la handicapée s’imagine des colombes et des papillons virevoltant au plafond de son minuscule appartement. Les visites de Jong-Du la tirent de sa solitude et l’autorisent à être une jeune fille comme les autres. Le temps d’un instant, leurs prisons mentales et corporelles n’en sont plus. Le monde extérieur ne le voit cependant pas ainsi. Victimes de préjugés sociaux (il semble que la Corée ait bien du mal à accepter ses handicapés, qu’elle perçoit comme une tare honteuse), les deux amoureux incompris seront condamnés sans aucune forme de procès.
Cru et impudique, Oasis n’est jamais lourd ni misérabiliste puisqu’il utilise habilement la poésie et l’humour en contrepoids à la dureté du propos. Mené par des acteurs talentueux, filmé sobrement avec un grand souci de réalisme, Oasis s’avère une émouvante histoire qui, peu importe le pays dans lequel elle se déroule, reste universelle. Après plus de deux millénaires, la différence demeure une chose étrange que l’être humain a bien du mal à comprendre et à accepter.
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