Passages (FFM) : Passages de Yang Chao
Présenté dans la section Un certain regard au dernier Festival de Cannes où il a récolté une mention spéciale Caméra d’or, Passages de YANG CHAO suit le périple de deux étudiants paumés et idéalistes dans la Chine rurale d’aujourd’hui. Entretien avec le jeune réalisateur et l’acteur GENG LE lors de leur visite à Cannes.
Road movie en train, en bateau, à pied et à vélo dans la Chine rurale, Passages (Lu Cheng) illustre à l’aide de longs et larges plans-séquences le désarroi et le sentiment d’isolation de la jeunesse chinoise: "J’ai choisi ce style car il traduisait ce que j’ai vécu étant jeune, explique Yang Chao, remarqué à Cannes en 2001, où la Cinéfondation du Festival l’avait récompensé pour son court métrage Run Away, dans lequel on retrouve également la figure du train. Je me suis toujours senti isolé par rapport aux aînés. D’après moi, les jeunes se sentent laissés à eux-mêmes dans cet énorme pays qu’est la Chine avec ses hautes montagnes, ses grandes rivières, ses larges plaines où l’on trouve pourtant tant de valeurs spirituelles."
À la suite d’une annonce parue dans les journaux, deux étudiants provinciaux, Si Xu (Geng Le) et sa petite amie Xiao Ping (Cheng Sixu), investissent leurs maigres revenus dans la culture de champignons aux incroyables vertus médicinales. À cette fin, ils quittent leur village pour la grande ville de Wuhan; un long voyage qu’ils exécuteront trois fois plutôt qu’une tant les embûches seront nombreuses dans leur quête de richesse. Durant ces périples, où Chao favorise les travellings, défilent à perte de vue des paysages gris et brumeux traduisant l’impossibilité des jeunes à se sortir de leur marasme.
Bien que les personnages appartiennent à la génération suivante et que la photographie y est soignée, l’ensemble n’est pas sans rappeler Platform de Jia Zhang-Ke, par son rythme très lent et l’effet de distanciation entre les protagonistes et les spectateurs qui se sentent comme des observateurs impuissants: "Jouer dans des plans larges s’est révélé un exercice difficile, commente Geng Le, d’autant plus qu’il y a peu de dialogues. Il faut surtout s’exprimer par le corps, car les expressions du visage se distinguent à peine, un peu comme au théâtre."
En cours de route, les deux étudiants rencontreront des gens très hostiles, parfois violents et dangereux, pourquoi un tel décalage entre les personnages? "Je voulais illustrer que les deux étudiants n’étaient pas prêts à intégrer la société, répond en toute simplicité le réalisateur que Le qualifie en riant de perfectionniste entêté."
Est-ce pour la même raison que vous avez adopté un rythme délibérément léthargique? "En fait, ce rythme lent respecte celui de la Chine, sauf celui des grandes villes, qui ressemble évidemment davantage à celui des villes occidentales."
Les jeunes Chinois se sentent-ils déchirés entre leur propre culture et la culture occidentale? "J’appartiens à la génération de transition, répond Geng Le, étant né dans les années 1970, donc je ne ressens pas ce déchirement. C’est depuis les années 1980 que la Chine s’est ouverte sur le monde et que les cultures occidentales l’ont peu à peu envahie."
Ce pessimisme ambiant qui traverse tout votre film reflète-t-il la réalité? "On connaît le conflit entre la jeune génération et la société, explique Chao, mais ce qui est triste dans tout cela, c’est que la jeune génération n’a pas la capacité de s’opposer efficacement au système social. Tous les jeunes Chinois passent par une phase révolutionnaire, mais ce n’est pas spirituel, c’est plutôt instinctif. Heureusement, la Chine est en train de changer, mais pour les jeunes générations, il y a très peu de moyens pour survivre, pour avancer dans la société. Pour eux, l’évolution est lente." Un premier long métrage remarquable malgré un récit quelque peu candide. Les 28 août, 1er et 3 septembre.