Elles étaient cinq : L'adolescence volée
Cinéma

Elles étaient cinq : L’adolescence volée

Deuxième long métrage de Ghyslaine Côté, Elles étaient cinq s’avère un drame prenant et sincère, en dépit de ses quelques failles et maladresses.

Dès les premières images en plongée tourbillonnante dans la forêt, l’on se sent irrésistiblement happé par l’univers d’Elles étaient cinq de Ghyslaine Côté (Pin-Pon, le film). Pourtant, quand apparaissent les cinq adolescentes de 17 ans préparant fébrilement une fête où sont attendus des garçons, l’on craint le pire. Non pas parce que l’on sait qu’un crime atroce sera commis non loin de leur chalet, mais parce que ces jeunes filles en fleur nous semblent trop gnangnan pour être vraies. Puis, quelques flashs annoncent le drame et l’angoisse s’installe en nous. Désignées pour aller faire les courses au village, Manon (Jacinthe Laguë) et Sophie (Noémie Yelle) font la rencontre de Thibodeau (Peter Miller) sur leur chemin. Survient le drame auquel Sophie ne survivra pas. Quinze ans plus tard, l’on retrouve Manon qui porte les cicatrices du viol sur son âme. Finie la luminosité pour illustrer la jeunesse, l’image se fait maintenant plus sombre.

Après avoir revu son agresseur, Manon décide de retrouver ses copines (Ingrid Falaise, Julie Deslauriers et Brigitte Lafleur) et de les emmener sur les lieux du crime afin d’exorciser ses peurs. Comme des souvenirs émergeant péniblement de la mémoire de la victime, d’autres flashs nous dévoilent graduellement ce qui s’est réellement passé ce jour d’été dans la forêt. La réalisatrice explique sa démarche: "Pour le viol, j’avais pensé à du gros grain et non du noir et blanc parce que c’est un procédé qui a été trop utilisé. Le directeur-photo Alexis Durand-Brault m’a alors parlé du procédé bleach bypass qui donne des couleurs délavées." Malgré leur efficacité, on peut s’interroger sur l’utilité de ces effets de style, le viol étant déjà sordide en lui-même. Une chose est sûre, la dame a un talent certain pour le thriller, voire le film d’horreur.

Contrairement à Gaspar Noé, qui démontrait sans fard l’horreur du viol en temps réel dans Irréversible, Côté a eu la délicatesse de présenter le viol avec une certaine pudeur. Autre parti pris intéressant, celui de ne jamais montrer complètement le violeur afin de ne pas lui donner un visage, bien que chez Anne-Claire Poirier, l’idée de donner mille et un visages à Germain Houde dans Mourir à tue-tête évoquait avec encore plus de force qu’il n’y a pas d’agresseur type.

Au-delà du récit de viol, Elles étaient cinq aborde les conséquences des libérations conditionnelles en démontrant différentes réactions à travers les différents personnages, tels le pardon de la mère (Louise Portal) et le désir de vengeance d’Isa (Falaise): "Je ne voulais pas donner de réponse, affirme la réalisatrice, parce que c’est le genre de sujet auquel on ne doit pas en fournir. Quoi dire face aux libérations conditionnelles où les agresseurs récidivent? Mon film se veut une réflexion, non une réponse: c’est ennuyant, un film qui vous dicte une conduite à suivre!" Pas de réponse, certes, mais une lueur d’espoir pour les victimes, ou, comme l’avance Jacinthe Laguë, absolument remarquable dans le rôle principal: "Une histoire de survie de laquelle je peux tirer une leçon."

Voir calendrier À l’affiche