La foire aux vanités (Vanity Fair) : La rose anglaise
Cinéma

La foire aux vanités (Vanity Fair) : La rose anglaise

Roman de chevet de Mira Nair, Vanity Fair met en scène une jeune orpheline pauvre qui fera tout pour s’élever dans la société anglaise du XIXe siècle. Entrevue avec la réalisatrice.

Pour incarner l’un des plus célèbres personnages féminins de la littérature anglaise, Mira Nair a curieusement choisi l’enfant chérie des Américains: "Reese Witherspoon était un choix évident, raconte la réalisatrice jointe au téléphone, parce qu’elle est intelligente, vive et spirituelle. Il était aussi important pour moi de ne pas adoucir le personnage de Becky Sharp, décrite comme une arriviste très calculatrice par Thackeray." À la lecture du roman, la description de Becky colle presque parfaitement à l’interprétation qu’en fait la jeune actrice; toutefois, la vision lucide et l’humour cynique du grand romancier, dont les constantes interventions rappellent celles d’un Diderot, semblent avoir été quelque peu gommés par la plume des trois scénaristes.

À coups de clins d’œil ravageurs, de sourires enchanteurs et, surtout, grâce à son bel esprit, Becky Sharp tentera de trouver un bon parti afin de quitter pour toujours sa misérable existence de gouvernante chez sir Pitt Crawley (Bob Hoskins). Ayant échoué auprès du frère de sa meilleure amie Amelia (Romola Garai), Becky jettera son dévolu sur Rawdon Crawley (James Purefoy). Toutefois, ce dernier, bien qu’issu d’une riche famille, ne lui apportera pas le standing auquel elle aspire. À l’instar de Becky, la pauvre Amelia, une oie blanche de première, ne fera pas un meilleur mariage avec George Osborne (Jonathan Rhys-Meyers), qui convoite Becky, alors que Dobbin (Rhys Ifans) soupire pour les beaux yeux d’Amelia. Et lorsque tout ira pour le pire, le riche Steyne (Gabriel Byrne) voudra devenir le protecteur de Becky, fille du peintre dont il collectionne les tableaux.

Du début du siècle aux années 90, plus d’une dizaine d’adaptations de Vanity Fair ont été faites pour le cinéma et la télévision. D’ailleurs, ce médium sied sans doute davantage à l’œuvre, car comment ne pas tomber dans l’anecdotique lorsqu’on s’attaque à un roman aussi colossal que celui de Thackeray? Ainsi, la version que propose la réalisatrice de Monsoon Wedding se présente comme une suite de tableaux vivants, colorés et somptueux au cours desquels Becky évolue bien rapidement: "Je ne craignais aucunement la comparaison avec les autres versions de Vanity Fair tout simplement parce que je ne les ai pas toutes vues, s’exclame celle qui enseigne le cinéma à l’Université Columbia. Ma version s’inscrit dans la lignée de mes films, c’est-à-dire que derrière l’aspect carnavalesque se dessine une critique sociale dans laquelle je dénonce l’hypocrisie et la manipulation. En fait, tout en respectant le rythme du roman, que j’ai découvert à 16 ans et qui demeure l’un de mes livres préférés, je souhaitais que la vie explose dans mon film." Et le chef-d’œuvre de Kubrick, Barry Lyndon, adaptation d’un autre roman de Thackeray, n’est-ce pas un peu écrasant? "Peu avant de tourner, j’ai revu ce film, et dans une certaine mesure, je crois qu’il m’a inspirée par l’humanisme qu’il transporte."

Plus encore que les jeux de masques auxquels se livrent les gens, ce qui fascinait Mira Nair chez Thackeray, lui aussi né en Inde, c’était les rapports entre l’empire britannique et ses colonies indiennes: "Mon film est à la fois esthétique et politique. En mettant l’accent sur la culture indienne, je voulais démontrer à quel point celle-ci a été importante pour l’Angleterre, tant au niveau culturel qu’économique. Et ça, je crois que c’est un sujet que l’on a peu abordé au cinéma." Sans tomber dans les excès bollywoodiens, la très occidentale réalisatrice indienne offre un vibrant hommage à sa culture et à la littérature anglaise. Une très belle façon de réunir le meilleur des deux mondes.

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