Silent Love de Federico Hidalgo : Parle avec elle (et sa mère)
Cinéma

Silent Love de Federico Hidalgo : Parle avec elle (et sa mère)

Silent Love de Federico Hidalgo, ou comment exprimer en trois langues les non-dits de la passion…

Gladys (scintillante Vanessa Bauche) est Mexicaine. Fatiguée d’attendre qu’un prince charmant se manifeste, elle s’inscrit à un site de rencontre sur Internet. Un petit clic, et la voilà jumelée à Normand (parfait Noel Burton), un Canadien bougon vivant mal la solitude qui lui colle au corps. Re-clic de ce dernier et, quelque temps et plusieurs dollars plus tard, les deux âmes se rencontrent, convolent en justes noces à Montréal et se préparent à vivre le grand amour. Mais la réalité étant ce qu’elle est, la suite est drôlement plus compliquée que les démarches administratives… et le déclic entre les tourtereaux tarde à se produire.

"Pour le scénario, ma femme Paulina Robles et moi nous sommes tout d’abord inspirés de l’expérience de couples qui avaient fait appel à ce type d’agence, raconte le réalisateur Federico Hidalgo rencontré dans le cadre du FFM. Puis, nous avons lu diverses études américaines effectuées à ce sujet. Les résultats de nos investigations nous ont fortement surpris! On croit souvent injustement que les femmes faisant appel à de tels services vivent dans une pauvreté abjecte, alors qu’une grande partie d’entre elles ont une éducation et une carrière." De découvertes en découvertes, le scénario de ce premier film a commencé à prendre forme, pour finalement se matérialiser et être présenté en grande première au Festival Sundance. "L’idée centrale est foncièrement humaniste. Au départ, le spectateur est confronté à deux cultures remplies de contrastes, mais il réalise très vite à quel point les trois personnages se ressemblent." Oui, vous avez bien lu, trois. Car, comme dans toute histoire d’amour qui se respecte, la géométrie s’en mêle et transforme rapidement le duo en triangle. Mais si Normand se désintéresse de sa nouvelle épouse, ce n’est guère pour zyeuter les attributs d’une beauté locale. Indéniablement attiré par la culture mexicaine, c’est pour Fernanda (efficace Susana Salazar), l’exotique mère de sa promise, que son cœur se met à battre.

Mais comment exprimer ses émotions quand on peine à comprendre les paroles de l’autre? Le sentiment arrive-t-il alors à dépasser en force le pouvoir des mots? "Le titre va justement dans le sens de ce questionnement: si l’amour est silencieux, est-il aussi absent? Le thème de l’apprentissage des langues nous tient particulièrement à cœur, souligne Hidalgo. L’espagnol auquel on fait appel ne peut être qualifié d’ornemental. À la différence de certains films qui l’insèrent sporadiquement dans les dialogues afin de donner l’illusion d’être dans un pays étranger, nous l’utilisons à des fins dramatiques." Trois langues, dont l’anglais et le français, se superposent donc les unes aux autres, formant autant de barrières entre les personnages. Mais bien qu’abordant des sujets à controverses, Silent Love ne fait pas figure de critique sociale. "On essaie de créer un espace de dialogue, sans pour autant apporter de conclusions morales. On pose beaucoup de questions, mais on ne donne pas de réponses." C’est maintenant au spectateur qu’incombe la tâche de combler les silences…