Festival du film de Toronto : Échos de Toronto
Le Festival du film de Toronto se poursuit allègrement avec sa programmation de qualité, son lot de stars et ses partys se terminant aux petites heures du matin. Qui a dit qu’on s’ennuyait dans la Ville-Reine?
C’est sur une note plutôt conventionnelle mais néanmoins somptueuse qu’a débuté la 29e édition du Festival de Toronto. Ayant signé pendant une trentaine d’années des drames sociaux et historiques, le réalisateur hongrois Istvan Szabo se tourne vers la comédie avec Being Julia, d’après la nouvelle Theatre de W. Somerset Maugham. Une version légère de Mephisto, aux dires de l’équipe dans laquelle Annette Bening, éclatante de beauté et de talent, trouve un rôle en or pour une comédienne d’un certain âge. En prime, une finale plutôt jouissive.
Film très attendu d’Olivier Assayas, Clean met en vedette Maggie Cheung, absolument touchante en junkie qui tente de reconstruire sa vie pour récupérer la garde de son fils. Fidèle à lui-même, le réalisateur des Destinées sentimentales dépeint avec un souci de réalisme un univers donné, ici, la scène rock indépendante. Avec Nick Nolte, qui fait preuve d’une belle justesse. Mélo mais sincère.
Après avoir tourné quelques films aux États-Unis, Volker Sclöndorff (Le Tambour) revient aux sources avec The Ninth Day, une page d’histoire peu connue sur le sort des prêtres durant la Seconde Guerre mondiale. Emprisonné à Dachau, un prêtre catholique du Luxembourg est remis en liberté neuf jours afin de convaincre l’évêque de cesser sa rébellion contre les nazis. Glacial, gris et austère.
RIRES DANS LE NOIR
Bizarres, bizarres les différences culturelles… Alors qu’à Cannes House of the Flying Daggers de Yang Zhimou était accueilli avec plusieurs salves d’applaudissements, de oh! et de ah!, ce sont des fous rires qui fusent chez les cinéphiles de Toronto. Il faut bien le dire, la finale se révèle quelque peu guimauve. Tout de même, les combats et la danse des échos, exécutée par la plus que gracieuse Zhang Ziyi, sont à couper le souffle.
Le même sort est réservé au film de Catherine Breillat, Anatomie de l’enfer, une adaptation de son roman Pornocratie, dans lequel la courageuse Amira Casar s’expose sans pudeur sous les yeux de merlan frit du beau Rocco Siffredi, qui ne semble pas piger un mot de ce qu’il récite. Notez que pour les scènes très intimes, plus gynécologiques que pornographiques, Casar a eu droit à une doublure. Beaucoup d’hommes ont fui la salle devant cette avalanche de propos féministes ringards et d’images de tampon hygiénique imbibé de sang… Assommant, ridicule et prétentieux. En tous cas, John Waters (A Dirty Shame) n’a pas été impressionné du tout!
PARLONS SEXE
La chair est triste chez Amos Gitaï, qui trace un portrait brut de la prostitution en Israël. Tourné caméra à l’épaule en éclairage naturel, Promised Land prend souvent des allures de documentaire tourné clandestinement. Avec Hanna Schygulla et Anne Parillaud. Un sujet révoltant traité sans complaisance, mais qui ne parvient pas à capter le spectateur. Dommage.
Avec son héroïne profondément agaçante, une Lolita qui ne cesse de raconter ses fantasmes sexuels à son meilleur ami, un jeune beur doué pour l’écriture, Lila dit ça de Ziad Doueiri se révèle un "coming of age movie" assez classique dans sa forme et maladroit dans sa description des personnages. On s’attendait à beaucoup mieux du réalisateur de West Beyrouth…
Alors là par contre, s’il y a un cinéaste qui livre la marchandise, c’est bien Alexander Payne (About Schmidt). Mettant en vedette le brillant Paul Giamatti (American Splendor), Sideways nous emmène sur la route des vins en Californie où un écrivain névrosé (Giamatti) et son meilleur ami, ex-vedette du petit écran, tentent d’oublier leurs problèmes matrimoniaux: le premier ne s’étant toujours pas remis de son divorce, le second souhaitant baiser à tout vent à une semaine de son mariage. Un road movie cynique, hilarant et irrésistible.
Après s’être intéressé aux amours d’un gars ordinaire pour son actrice de femme, Yvan Attal se penche maintenant sur le quotidien d’un couple apparemment sans histoires dans Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Faisant l’envie de ses copains à cause de son épouse parfaite (Charlotte Gainsbourg), Vincent (Attal) a pourtant une maîtresse. Avec une Emmanuelle Seigner qui n’a rien d’une femme fatale et la participation exceptionnelle d’un célèbre acteur américain marié à une chanteuse française. Mentionnons la trame sonore comportant des morceaux de Radiohead et du Velvet Underground. Tout simplement craquant.
MADE IN QUÉBEC
Alors que La Peau blanche de Daniel Roby semble ravir les spectateurs, on raconte que Littoral de Wajdi Mouawad déçoit par sa transposition maladroite des artifices du théâtre dans un décor extérieur. Devant le CQ2 de Carole Laure, les collègues journalistes du Canada anglais demeurent bouche bée: "Pouvez-vous nous expliquer pourquoi Carole Laure est si populaire chez vous et en France", demandent-ils… Pour sa part, Le Goût des jeunes filles de John L’Écuyer, d’après le roman de Dany Laferrière, nous transporte en Haïti dans les années 1970. Avec son ami Gégé, Fanfan reluque les belles jeunes filles habitant de l’autre côté de la rue. Croyant être recherché par les tontons macoutes, le jeune garçon se réfugie chez la plus belle d’entre elles, Miki. Malgré des interprètes au jeu mal assuré, l’ensemble n’en possède pas moins un certain charme rafraîchissant. On attend les réactions.
CARNET MONDAIN
Qui dit festival de films dit stars. Et elles sont nombreuses à Toronto. Aussi nombreuses que les badauds se massant devant les grands hôtels caméra au poing dans l’espoir d’apercevoir leurs idoles. Qui attendez-vous comme ça? Sais pas, peu importe, des gens connus. Manque de pot, c’est un flot de journalistes se cachant derrière leurs lunettes noires et revenant déçus d’une table ronde où certains de leurs collègues ont posé des questions niaises. Tiens donc, voilà Kevin Spacey, venu présenter son film Beyond the Sea, dont on raconte beaucoup de bien, qui sort de l’hôtel Intercontinental… N’est-ce pas Nick Nolte qui longe les murs sur Cumberland Street, ses cheveux blonds en bataille émergeant de son chapeau? Trop tard, de jeunes fans l’ont repéré. Un peu plus loin, Scarlett Johanssen marche d’un pas pressé sur Bloor Street, sans doute à la recherche de la boutique Prada.
Outre dans les halls des grands hôtels, le meilleur endroit pour les paparazzis du dimanche, c’est au très branché Drake Hotel, où se donnent les plus gros partys de l’industrie, qu’on y croise Daryl Hannah, Chris Cooper, Don McKellar, Jennifer Jason Leigh, tout le gratin quoi! Même la gouverneure générale, l’ancienne journaliste Adrienne Clarkson, est de la partie. Mais consolez-vous, des invités prestigieux se pointeront au FCMM où l’on nous promet une programmation riche et éclectique…