Bruno Ganz : L’acteur du désir
Une rétrospective Bruno Ganz, voilà ce que nous offre, du 15 septembre au 2 octobre, la Cinémathèque québécoise.
Il est de ces icônes qui, sans faire la une des magazines populaires, sont néanmoins de véritables légendes vivantes. Acteurs de l’ombre aimant s’y vautrer, ils multiplient leurs apparitions à l’écran, tout en divisant leurs apparitions publiques. Les oublie-t-on pour autant? Que nenni! On les observe, fascinés. Et si on ne crie pas au génie, c’est bien parce que l’image s’en charge à notre place.
Figure mythique d’adoption du septième art allemand, Bruno Ganz ne peut faire autrement que de monopoliser le regard. Avec son visage torturé, ses yeux sombres et sa présence imposante, l’homme a marqué de façon majeure les dernières décennies du cinéma international. Comédien né, il est passé en 1975 du monde de la scène à celui de la pellicule comme d’autres passent d’un bord du trottoir à l’autre: en un pas, sans se retourner. Mais comme il arrive souvent aux êtres de revenir sur leurs traces, Ganz est retourné à son art délaissé après six ans d’abstinence théâtrale. Déchiré entre deux amours, il a finalement fait le choix de conjuguer ses passions. Pour le plus grand bonheur des spectateurs, certes, mais surtout pour celui des metteurs en scène et réalisateurs dont il est très vite devenu l’acteur fétiche. De son ami intime Peter Handke au réputé Bolognini, en passant par l’unique Wim Wenders, Ganz aura travaillé sous la tutelle des meilleurs de ce monde, imposant cependant toujours avec force sa propre vision des choses. Hautement politisé, il ne s’est jamais départi du désir de faire valoir ses idéaux par le biais de son métier. Le conflit germanique occupe une place de choix au palmarès des préoccupations de ce Zurichois né de mère italienne, émigré en Allemagne à l’âge de 21 ans et ayant toujours nourri à l’égard de son pays d’accueil des sentiments teintés d’ambivalence. Une ambiguïté dont témoigne d’ailleurs sa personnification du führer dans Downfall: Hitler and the End of the Third Reich de Olivier Hirschbiegel, présenté cette semaine en grande première au Festival des films de Toronto.
La rétrospective proposée par la Cinémathèque québécoise mêle aux classiques incontournables des oeuvres récentes au générique desquelles figure le nom de Ganz. Les cinéphiles avertis se réjouiront de la diversité, mais les novices devront faire preuve d’une plus grande vigilance. Car s’il tient la vedette dans la majorité des films choisis (pensons à L’ami américain de Wenders ou au Couteau dans la tête de Hauff, présentés le 25 septembre), il occupe dans d’autres une place beaucoup moins significative (pensons à Si loin, si proche! de Wenders, projeté le 17 septembre). Mais que ce soit pour découvrir l’homme, pour en approfondir votre connaissance ou pour le mirer pour une énième fois, l’occasion en vaut grandement le détour. Comme le proclamait l’acteur sous les traits de Damiel, l’ange des superbes Ailes du désir de Wenders (présenté le 26 septembre), film ayant inspiré la médiocre Cité des anges: "Regarder, ce n’est pas regarder d’en haut, mais à hauteur d’œil."
D’où l’importance de ne pas lever le nez sur cette offre de tête-à-tête avec une légende.
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