Maddin Marker : L’image de force
Guy Maddin et Chris Marker font l’objet de deux rétrospectives présentées à la Cinémathèque. Rendez-vous avec deux cinéastes au parcours remarquable à ne manquer sous aucun prétexte.
Cinéaste autodidacte né au Manitoba en 1956, Guy Maddin possède sans contredit l’une des signatures cinématographiques canadiennes les plus originales et reconnaissables entre toutes. Dès son premier long métrage, Tales from the Gimli Hospital, il impose un style directement inspiré d’un cinéma disparu trop tôt selon lui, le cinéma muet, plus particulièrement l’expressionnisme allemand. Marqué par Eisenstein et Buñuel, Maddin tourne ensuite Archangel, drame de guerre campé en Russie où les gaz moutarde perturbent la mémoire des amants qui oublient à tout moment l’objet de leur affection. Empruntant à l’esthétique de Murnau et de Lang, il signe Careful, où pulsions sexuelles refoulées et désirs incestueux auront tôt fait de plonger dans la tourmente les habitants d’un village alpin menacé par les avalanches. Délaissant momentanément le noir et blanc, il s’inspire des tableaux de Gustave Moreau pour créer le drame fantastique Twilight of the Ice Nymphs, qui met en vedette Pascale Bussières. Avec Dracula – Pages of a Virgin’s Diary, il filme de façon expressionniste le ballet de Mark Godden interprété par le Royal Winnipeg Ballet, s’intéressant davantage aux visages des danseurs qu’aux figures qu’ils exécutent. Enfin, The Saddest Music in the World se déroule dans une Winnipeg fantasmée, durant la dépression, alors qu’une baronne de la bière (Isabella Rossellini) organise le concours de la plus triste musique du monde. D’un film à l’autre, la plastique, toujours d’une étrange beauté, l’emporte sur le récit, parfois ténu, parfois inutilement compliqué, mais où les thèmes de la folie, de l’oubli et des amours malheureuses sont exploités avec la même ferveur. Une œuvre aussi déroutante que fascinante. Jusqu’au 7 octobre.
Grande figure inclassable du cinéma français, Chris Marker n’a tourné qu’un film de fiction, La Jetée, suite hypnotisante de photos où un homme hanté par ses souvenirs d’enfance doit retourner dans le passé afin d’empêcher un désastre nucléaire. Un court métrage d’une grande puissance dont Terry Gilliam s’inspirera pour créer son délirant Twelve Monkeys. Que ce soit par ses films épistolaires (Sans soleil, présenté par Jean-Michel Frodon des Cahiers du cinéma le 16 octobre), ses portraits d’amis (La Solitude du chanteur de fond avec Yves Montand) ou son encyclopédie audiovisuelle (L’Héritage de la chouette, en 13 épisodes), Marker s’est imposé comme un virtuose du montage des paroles et des images, tel que le prouve Le fond de l’air est rouge. Documentaire d’une grande richesse, ce film trace, à l’aide de documents d’archives, d’entrevues et de commentaires en voix off, le portrait de 10 ans de militantisme de gauche, de 1967 à 1977. Des images de la guerre du Vietnam au printemps de Prague, en passant par la mort de Che Guevara, Le fond de l’air est rouge s’avère une imposante leçon d’histoire qui suscite autant d’émotions que de réflexion. En tout, une trentaine de films d’essai et de documentaires à découvrir, du 6 au 27 octobre. www.cinematheque.qc.ca.w
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