Mémoires de septembre : Johnston s’en va-t-en guerre
Mémoires de septembre de Christian Johnston ou comment vendre son œuvre en exploitant bassement le drame du 11 septembre…
En plus d’être marqué du sceau habituel mettant en garde les spectateurs de la présence de scènes de violence, Mémoires de septembre se devrait d’être estampillé, en caractères gras, fluorescents et scintillants si possible, des mots "chimères et invention". Échantillon parfait de ce à quoi peut mener la guerre de la désinformation qui sévit depuis les attentats, cette fiction qui se camoufle sous des airs de documentaire-choc constitue un véritable pied de nez au deuil qui afflige New York depuis trois ans. "Le pourcentage exact de vérité par rapport à l’invention est difficile à définir, avoue Christian Johnston, joint au téléphone. On s’est rendus sur place pour mettre de la lumière sur ce qui se passait réellement en Afghanistan, et pour donner une voix aux habitants de ce pays." Projet non seulement ambitieux, mais aussi terriblement prétentieux. Surtout si l’on considère que si des locaux s’adressent à la caméra, il s’agit pour la plupart du temps soit de revendeurs d’armes, soit d’enfants quémandant des bonbons, soit de Wali Razaqui, un producteur et acteur d’origine afghane… qui a depuis longtemps fui son pays afin d’établir ses pénates à Hollywood.
Tournant autour de la quête irraisonnée de Don Larson (George Calil), jeune Américain qui se lance à la poursuite de nul autre que l’introuvable Ben Laden, ce film présente le point de vue biaisé d’un personnage assoiffé de vengeance. "On souhaitait atteindre un public complètement différent de celui qui est habitué à regarder des documentaires. Ceux que nous visons, ce sont les gens qui ne savent pas, qui ne comprennent tout simplement pas ce qui se passe en Afghanistan, ou qui s’en fichent." S’il se voulait rassurant par ces paroles, Jonhston aura frappé un mur. Car c’est justement ce qui provoque l’angoisse du spectateur le moindrement au fait du conflit du Proche-Orient: un tel traitement de la question n’aura-t-il pas pour unique conséquence de renforcer la discrimination à l’encontre du peuple arabe tout en glorifiant la suprématie des États-Unis? "Larsen est dépeint comme un être colérique en quête de vérité et de revanche, mais peu lui importe ce qu’il trouve en premier. Il montre que lorsque les Américains s’investissent dans la politique étrangère, les conflits se multiplient…. Mais on a aussi permis à beaucoup d’Afghans de s’exprimer!" répète-t-il.
Décidément, l’homme est sur la défensive. Serait-ce dû à une crainte des représailles que le fait de toucher à un sujet aussi tabou que les événements du 11 septembre risque inévitablement d’entraîner? "Ce n’est pas directement un film sur les attentats, mais plutôt sur l’Afghanistan. Et il n’y a, selon moi, aucune autre façon de tourner un film sur ce thème. Je ne suis pas comme Michael Moore. Mon film est un appel aux armes à tous les gens qui ont une caméra et qui se sentent concernés par le sujet: ne faites pas juste en parler, faites quelque chose." Rappel à ceux qui seraient tentés de suivre le conseil de l’illusionniste opportuniste: il est vrai que c’est bien d’agir. Mais il est nettement plus important de le faire de façon réfléchie…
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