10 on Ten : Auto-analyse
Cinéma

10 on Ten : Auto-analyse

Le Festival du Nouveau cinéma présente 10 on Ten, documentaire où Abbas Kiarostami livre 10 leçons de cinéma. Entretien avec le grand cinéaste iranien, rencontré lors du dernier Festival de Cannes.

À la manière de Ten, où une femme divorcée discutait à bord de son auto avec son fils et des passagères, Abbas Kiarostami livre au volant de son véhicule ses réflexions sur la nature du cinéma et le rôle du spectateur. Bien qu’elle comporte un certain humour, il émane de cette leçon de cinéma, divisée en 10 parties distinctes, une certaine tristesse. Comme si le réalisateur nous offrait son testament ou renonçait à faire du cinéma: "J’espère que ce n’est pas un adieu au cinéma, répond le réalisateur derrière ses fameuses lunettes fumées. Moi-même je suis un peu triste en ce moment, mais je ne suis pas désespéré, car je trouve mon chemin personnel pour faire mon cinéma."

L’idée de présenter ainsi sa méthode de travail est venue de MK2, qui projetait la sortie du DVD de Ten; pour le réalisateur, c’était l’occasion parfaite de tenter de comprendre lui-même sa façon d’aborder le cinéma et, plus encore, de s’adresser à ses jeunes collègues qui croient que la simplicité apparente de ses œuvres est le fruit de l’improvisation. Le résultat se révèle certes aride, mais non moins fascinant.

Roulant dans les endroits où il a tourné ses principaux films, Kiarostami dévoile son inquiétude face à l’avenir du cinéma et à l’hégémonie américaine: "Je suis très pessimiste… Le cinéma fait partie de la politique mondiale; le cinéma américain n’est pas séparé de la politique américaine. J’ai vu aujourd’hui le ministre de la Culture d’un pays quelconque qui m’a confié que même notre politique culturelle est soumise à la politique. Cela fait dix ans que mes films ne sont plus vus en Iran; les trois derniers, Le vent nous emportera, ABC Africa et Ten, n’ont pas obtenu de permission de projection. Le dernier film vu en Iran est Le Goût des cerises, en 1997. Les politiciens iraniens ont plus d’intérêt dans le cinéma américain. Je crois que le cinéma américain est dangereux, parce qu’il opprime tout le monde, même ceux qui disent "Mort aux États-Unis!". Je suis persuadé que les Palestiniens voient plus de films américains que de films palestiniens." Mais n’est-ce pas le cas partout dans le monde?

Conscient que ses œuvres, influencées entre autres par le néo-réalisme italien, ne peuvent plaire à tous, Kiarostami n’a pas la prétention de s’offrir comme unique modèle à suivre. Toutefois, pas question pour autant de baisser les bras et de calquer la manière américaine. Bien au contraire, le dernier plan de 10 on Ten montrant une fourmilière s’est prolongé dans une suite, le film d’essai Five, dans lequel le cinéaste retrouve le goût de s’émerveiller devant des choses simples, tel un billot de bois ballotté par la mer, en cinq longs plans fixes: "Même si je souhaite retourner à la narration, mon idéal serait de parvenir à un langage cinématographique qui raconte le cinéma, c’est-à-dire une langue qui ne s’emprunte nulle part et qui soit internationale."

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