Clean : Zéro héros
Cinéma

Clean : Zéro héros

Clean, qui ouvrait le Festival du Nouveau Cinéma, raconte sans complaisance le parcours chaotique d’une toxicomane. Olivier Assayas, Maggie Cheung et Nick Nolte livraient leurs réflexions lors de tables rondes au Festival de Toronto.

Ancienne V.J. mariée à Lee Hauser (James Johnston), rock star des années 80, Emily Wang (Maggie Cheung, prix d’interprétation féminine à Cannes) se retrouve devant rien lorsque son mari meurt d’une surdose d’héroïne. En raison de sa dépendance à la drogue, Emily est privée de la garde de son fils, élevé par les parents de Lee (Nick Nolte et Martha Henry). Aidée de sa meilleure amie (Béatrice Dalle), elle tentera de refaire sa vie afin de retrouver son fils. Contre toute attente, Albrecht (Nolte) se révélera un allié précieux.

Avec Clean, écrit pour Maggie Cheung, son ancienne compagne, Olivier Assayas illustre de nouveau un milieu qu’il connaît bien et qu’il dépeint avec un réel souci d’authenticité, avec un regard de documentariste, dirions-nous, et un certain sentiment de nostalgie: "Après avoir tourné Désordres, je ne pensais pas refaire un autre film sur le rock. Je trouve que la musique est souvent représentée de façon très stupide ou stéréotypée; quand j’ai commencé à écrire le récit, il m’importait de faire chanter Maggie et je savais qu’elle voudrait chanter des trucs qu’elle aime, que nous aimons tous les deux, comme la musique de Brian Eno. C’est pour cela que j’ai dépeint ce milieu et que je suis allé chercher des vrais personnages de l’industrie, tels Tricky, David Roback et Metric, un groupe de Toronto. J’expliquerais la nostalgie qui émane de Clean du fait que la musique représente une notion du temps qui passe, du monde qui change. Aussi, la musique rock est par nature très éphémère."

Actrice chinoise née en Angleterre, Maggie Cheung explore enfin à l’écran des facettes plus sombres de sa personnalité, une découverte surprenante pour le spectateur ayant gardé en mémoire la belle image classique d’In the Mood for Love de Wong Kar-wai: "Je ne dirais pas que c’est une seconde carrière, explique Cheung, mais plutôt un regain de confiance et de l’envie de poursuivre… me voilà peut-être rendue à une seconde étape. J’ai toujours aimé chanter sous la douche; du temps que je vivais avec Olivier, je lui disais souvent que j’aimais chanter et je le faisais sans gêne. J’imagine que cela l’a marqué! Pourtant, aucun de nous ne savait si je savais vraiment chanter. J’ignore ce qu’il adviendra et si je pourrai écrire des chansons, mais des compagnies de disques ont appelé…"

Porté par une trame sonore planante, Clean a été tourné en France, en Angleterre, aux États-Unis et au Canada où Assayas a notamment craqué pour le paysage industriel de Hamilton. À preuve, cette scène lyrique où Maggie Cheung se défonce à l’héroïne dans son auto (rituel qu’Assayas capte discrètement); une cheminée crache le feu alors que la drogue court dans les veines de la toxicomane. Le lendemain, un brouillard gris s’étend sur la ville alors qu’Emily émerge péniblement de sa transe. Un beau moment de cinéma.

Rêvant depuis longtemps de tourner avec un réalisateur français – omet-il volontairement sa collaboration avec Francis Weber pour le remake des Fugitifs? -, Nick Nolte a trouvé l’un des plus beaux rôles de sa carrière: "Il y a environ une douzaine d’années, raconte-t-il de sa voix voilée, j’ai tourné le dos à Hollywood parce que je voyais à quel point les scénarios devenaient de plus en plus simplistes, d’où mon passage au cinéma indépendant. Ce que j’apprécie des réalisateurs français, d’Olivier particulièrement, c’est leur façon de concevoir le cinéma, leur finesse et leur sensibilité… Aussi, contrairement aux réalisateurs américains, ils ne se sentent pas obligés de crier "action", mot que je déteste!"

Maggie Cheung abonde dans le même sens: "Je partage l’idée de liberté qu’apprécie Nick chez Olivier. Pas de marques sur le plancher, pas de limites! La caméra à l’épaule nous suivait tout le temps; si je tendais la main pour atteindre quelque chose, la caméra ne manquait rien de mon geste. Il n’y a pas de souci à se faire en travaillant avec Olivier car on peut faire les choses à sa manière, sans se préoccuper d’être juste et de penser à ses mouvements. Cette grande liberté de travail, c’est la seule façon d’atteindre une interprétation naturelle et réaliste." De fait, cette caméra suivant pas à pas l’actrice traduit avec force le sentiment d’urgence habitant Emily. Et lorsque Cheung et Nolte partagent l’écran, on a l’impression d’assister à une rencontre au sommet.

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