Ju-On: The Grudge : Frissons nippons
Cinéma

Ju-On: The Grudge : Frissons nippons

Avec Ju-On: The Grudge, le jeune cinéaste japonais Takashi Shimizu a prouvé qu’il avait du talent à revendre et un bel avenir dans le paysage du cinéma fantastique. À condition qu’il arrête de refaire le même film…

Grâce aux hasards de la distribution, le drame d’horreur japonais Ju-On: The Grudge de Takashi Shimizu sort la même semaine que son remake américain, The Grudge, du même réalisateur. Avant de confronter le modèle et sa copie, essayons d’y voir clair dans la chronologie des événements. Shimizu tourne un premier Ju-On en 2000 pour le marché de la vidéo. Il y raconte l’histoire d’une demeure hantée par les fantômes d’une femme et de son petit garçon, tous deux assassinés par le père dans une rage de jalousie. Les deux spectres s’en prennent à quiconque a le malheur de pénétrer l’enceinte du petit bungalow. Ce film à petit budget remporte un joli succès et inspire rapidement une suite, Ju-On 2.

Sur cette lancée, Shimizu tourne une variation sur le même thème pour le grand écran. Cela donne Ju-On: The Grudge (2003), dans lequel les deux fantômes s’en prennent à divers individus au fil d’une série d’épisodes proprement terrifiants présentés en ordre non chronologique. Cet exercice de style brillant et d’une efficacité redoutable attire l’attention du cinéaste Sam Raimi (Evil Dead, Spider-Man), qui demande à Shimizu d’en tourner un remake américain. Mais avant, ce dernier doit d’abord terminer la suite japonaise, intitulée simplement Ju-On: The Grudge 2.

C’est donc dire que le Grudge américain est le cinquième film tourné par Shimizu sur le même sujet. L’avenir nous dira si le cinéaste est capable de faire autre chose (on l’espère, quand même), mais d’ici là, on doit reconnaître que la série Ju-On, toutes versions confondues, mérite sa place dans l’anthologie du cinéma fantastique.

Dans tous ces films, et au premier chef dans Ju-On: The Grudge, on est frappé par l’habileté du réalisateur à générer des effets de terreur par le simple emploi des mouvements de caméra, des cadrages, des éclairages, du montage et du son (le cri guttural des fantômes donne à lui seul des frissons). Les effets spéciaux sont rares, le gore pratiquement absent et les décors minimalistes (imaginez The Exorcist filmé par Ozu). Inutile, cependant, de chercher de la substance, de l’émotion ou de la psychologie dans tout cela. Shimizu propose un cauchemar dont les épisodes s’enchaînent selon une structure onirique (ce qui revient à dire sans logique). C’est un exercice de terreur impressionniste, viscéral, purement gratuit et… délicieux.

Pour quiconque a vu le modèle japonais – que le Cinéma du Parc a eu la bonne idée d’ajouter à sa programmation -, le remake américain apparaît forcément un peu redondant. L’intrigue est une copie carbone, hormis certains détails, et les effets de terreur viennent du même moule. L’histoire se déroule encore à Tokyo, mais les personnages principaux sont maintenant joués par des Américains (notamment Sarah Michelle Gellar, la Buffy du petit écran). Ce qui a l’avantage d’ajouter un sous-texte intéressant sur l’aliénation des étrangers confrontés à l’Autre. Il y a fort à parier que les amateurs d’horreur qui n’ont pas vu l’original y trouveront leur compte. Quant aux autres, ils n’ont plus qu’à espérer que Shimizu mette la clé sous la porte de cette maison hantée et s’intéresse à autre chose dans son prochain film.

Voir calendrier Cinéma et Répertoire