Paul Leduc : La Cinémathèque et Leduc
Le cinéaste Paul Leduc a enfin ce qu’il mérite: une rétrospective. Un survol incontournable de l’œuvre de ce réalisateur mexicain à la Cinémathèque québécoise.
La Cinémathèque québécoise présente, du 29 octobre au 6 novembre, une rétrospective de l’œuvre du cinéaste mexicain Paul Leduc. Bien que certains films de ce dernier aient été à plusieurs reprises encensés par la critique et maintes fois étudiés par les universitaires, il s’en trouve encore trop peu parmi le public cinéphile à connaître la maigre mais riche filmographie de ce créateur libre et indépendant. Une méconnaissance qui ne rend certes pas justice à la qualité et à l’originalité de son cinéma. Accueillons donc avec grande satisfaction ce survol de l’œuvre de Paul Leduc; un survol nous permettant enfin de savourer quelques raretés qui n’ont malheureusement jamais bénéficié d’une distribution égale à leur indéniable valeur cinématographique.
Après plusieurs courts métrages de commande lui ayant permis de survivre un temps dans un système créatif étatique, Paul Leduc fonde avec d’autres cinéastes de sa génération un groupe appelé Cine 70, lequel prône, pareil à la Nouvelle Vague française, un cinéma délivré des contraintes institutionnelles. C’est dans ce contexte revendicateur que Leduc réalise en 1972 son premier long métrage, Reed, México insurgente. Dans ce film de fiction aux forts accents documentaires, Leduc évoque, sous forme de chronique, la révolution mexicaine telle que vécue par le journaliste américain John Reed. Déjà, ce faux documentaire manifeste les prémisses de l’œuvre subséquente de Leduc qui n’aura de cesse de jouer – pour ne pas dire jouir – de l’image et des formes cinématographiques pour mieux révéler une réalité cruelle souvent impossible à représenter.
Une cruauté que le cinéaste n’hésite pas à traquer et à dévoiler dans son documentaire accusateur Ethnocide. Réalisé en 1977 et coproduit par l’ONF, Ethnocide présente littéralement l’abécédaire de l’exploitation dévastatrice des Indiens Otomis. Outre le ton militant et dénonciateur du film, Ethnocide doit également sa puissance à la rareté des voix qui autrement alourdiraient un propos que l’image et le témoignage réussissent seuls ici à exprimer de manière éloquente. Pour Leduc, ce parti pris de l’image suscite une poétique particulière dont Frida (1986) s’avère peut-être la figure la plus exemplaire. Dans ce portrait de la peintre Frida Kahlo, Leduc s’emploie à laisser l’image et la musique parler de la passion, de la souffrance et de l’amour de cette artiste mexicaine blessée par la vie.
L’image et la musique tiennent à leur tour le rôle principal dans Barroco (1989), une adaptation de Concierto barroco d’Alejo Carpentier. Toujours soucieux de rendre insaisissable la frontière entre le documentaire et la fiction, Leduc propose cette fois-ci une enquête baroque et vertigineuse sur les origines de la musique latino-américaine. Davantage sensible à l’esthétique visuelle de ses films qu’au dialogue et au commentaire, Leduc pousse à ses limites l’éviction de la voix dans Latino bar (1991). Ayant pour prétexte l’histoire passionnée d’une prostituée et de son amoureux pour la danse, Latino bar est avant tout un récit de gestes, d’étreintes et de regards. Mais on retient peut-être surtout de ce film ses images chaudes et son rythme lancinant desquels transpire la profonde misère humaine des laissés-pour-compte. Un cruel régal des sens.
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