CQ2 : Le corps au poing
Cinéma

CQ2 : Le corps au poing

Dans CQ2, deuxième film de Carole Laure à titre de cinéaste, une adolescente qui se cherche trouve sa voie dans la danse moderne. Quand le langage du corps dépasse celui du récit.

Après Les Fils de Marie, qui parlait de deuil et de maternité, Carole Laure nous revient avec CQ2 (comprendre Seek You Too), racontant l’histoire d’amitié entre Rachel (Clara Furey, fille de la réalisatrice), adolescente de 17 ans en pleine révolte, et Jeanne (Danielle Hubbard), professeure de danse moderne récemment sortie de prison. Vivant à la campagne chez un ex-petit ami toujours amoureux d’elle (Jean-Marc Barr), cette dernière accueille l’adolescente abusée par son beau-père et lui enseigne à exprimer son mal de vivre à travers le mouvement. En fait, c’est là que se situe le réel sujet du film, dont 40 minutes sont consacrées à la danse. Et c’est par là ainsi que par son format (35 mm), plus que par sa mise en scène et son écriture, où l’on reconnaît la signature de Laure, qu’il se démarque de son prédécesseur.

Ainsi, à la question: "Ça sert à quoi, la danse?", lancée par Rachel peu après sa rencontre avec Jeanne, l’œuvre répond en faisant ressortir le potentiel de cet art comme moyen d’expression, comme moyen de surmonter les drames de la vie pour tout un chacun. D’ailleurs, la réalisatrice ne s’en cache pas, elle avait en tête un film sur le mouvement. Et de ce point de vue, CQ2 apparaît plutôt réussi. En effet, les chorégraphies, signées Ginette Laurin (O Vertigo), Claude Godin et Emmanuel Jouthe, marquent bien l’évolution de l’héroïne de même que les sentiments des différents personnages. C’est à travers celles-ci, par leur côté brut, organique, pulsionnel, que se révèle leur essence. De même la musique a-t-elle le don de coller aux émotions, tandis que la mobilité de la caméra sert bien la dramatisation de la gestuelle. Il en ressort une œuvre très physique, incarnée, grâce, en bonne partie, aux interprétations énergiques de Furey et Hubbard, deux professionnelles du domaine.

Toutefois, si la danse et la musique expriment bien l’état d’esprit d’une adolescente rebelle, son histoire, elle, prend parfois des airs de prétexte, tandis qu’elle affirme certains côtés convenus qui donnent à la jeune femme des allures d’archétype. Comme s’il s’agissait non d’une personne réelle, mais plutôt d’une fugueuse moyenne, avec les problèmes qu’on lui imagine (abus, relation difficile avec sa mère, drogue…). Sans compter que le scénario nous conduit parfois sur des pistes dont on ne voit pas vraiment la pertinence ou qu’il abandonne en cours de route (par exemple, que deviennent les dettes de Rachel?). Les dialogues, enfin, ne s’avèrent pas toujours convaincants. Ainsi, bien que l’énergie soit généralement là, on a par moments l’impression que les mots manquent de naturel, de spontanéité; on les sent placés dans la bouche des personnages. De même, il arrive que Furey, malgré la nature excessive de son rôle, en fasse un peu trop. N’empêche, certains éléments plus originaux apportent de la fraîcheur à l’ensemble, qu’on pense à l’histoire d’Odile (Mireille Thibault), la compagne de prison de Jeanne, une mère de famille que rien ne prédestinait à la danse, mais qui s’y adonne de belle façon et devient elle aussi l’amie de Rachel. En fait, c’est surtout à travers les liens qui s’y nouent que CQ2 marque des points. Et par sa présence charnelle, évidemment.

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