Acapulco Gold : Élucubrations à la king
Cinéma

Acapulco Gold : Élucubrations à la king

Avec Acapulco Gold, André Forcier nous offre un petit film inégal, mais non dénué de charme.

Toujours surprenant, pas toujours constant, André Forcier nous raconte ici l’histoire farfelue et soi-disant réelle de Bob Garrigues, un Français d’origine, à l’accent "chantang" (Michel Maillot, à qui toute cette histoire abracadabrante serait véritablement arrivée). Acteur à succès, Garrigues affirme avoir rencontré Elvis Presley à Acapulco… en 1991. Sous le pseudonyme de Colonel Éternel, le King , directement en contact avec l’Esprit saint, lui aurait alors dévoilé les trois grandes révélations. Depuis, Garrigues est devenu narcoleptique et a dû abandonner sa carrière d’acteur. De Longueuillois aisé, il est ainsi passé à Longueuillois sans le sou et cherche désormais à intéresser un producteur de Hollywood à son histoire. Il affirme même posséder les preuves nécessaires afin de répandre la bonne parole d’Elvis à travers le monde. Le seul gros bonnet assez naïf pour se rendre à Acapulco en compagnie de l’illuminé Bob, Hank Struzberg (Mark Krasnoff), deviendra "l’élu".

Joint au téléphone, André Forcier explique la raison qui l’a mené à produire Acapulco Gold en brisant soudainement le ton languissant de sa voix : "C’était ça ou bien je me flinguais!" Il faut dire qu’il y a longtemps qu’on patiente, et lui aussi. Sept années ont passé depuis La Comtesse de Bâton Rouge. Un silence qu’on lui connaît, mais qui cette fois s’est éternisé contre le gré du réalisateur. "J’aime ça faire des films, et comme Téléfilm branlait dans le manche avec Les États-Unis d’Albert… C’est passé par 11 comités, qui ont tous accepté, mais Téléfilm disait non. C’est le système de pointage qui encourage la mièvrerie. Les fonctionnaires refusent d’encourager l’audace. Le cinéma commercial est le cancer du cinéma d’auteur!" D’ailleurs, le nom de Struzberg n’a pas été choisi au hasard, rappelez-vous celui de l’ancien patron de Téléfilm Canada, un certain Strusberg… C’est donc ainsi qu’il faut voir le film: un en-cas amusant en attendant le "vrai", Les États-Unis d’Albert, présentement sur les tables de montage.

Acapulco Gold a été entièrement autofinancé, donc pas d’effets visuels recherchés, pas de mouvements de grue sophistiqués, ni d’images imprimées sur pellicule, mais Forcier assure que chaque plan a été travaillé soigneusement. "C’est une comédie absurde, comme le sont tous mes films, mais cette fois avec un budget minime." Il ajoute: "J’ai mis 130 000 $ de mes poches et je ne suis vraiment pas sûr de les revoir… Il faut qu’on aille voir le film!" Une mise en garde s’impose cependant: cette fiction dans laquelle Forcier a intégré une partie documentaire (intervention d’un physionomiste judiciaire et d’un graphologue) en irritera sans doute certains par ses propos divinatoires, son humour qui rate parfois la cible et ses acteurs survoltés. D’autres, par contre, y retrouveront la douce folie et l’humour décalé qui ont fait le succès du réalisateur. Ce dernier tient mordicus à souligner que les expertises sur les photos et écritures d’Elvis que l’on voit dans le film ne sont pas truquées. C’est Falardeau qui va être content… Quoiqu’on en dise, André Forcier fait partie de nos plus grands cinéastes et Acapulco Gold a sa place à l’ombre des Au Clair de la lune, Une Histoire inventée, L’Eau chaude, l’eau frette et Kalamazoo.

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