Embarquement immédiat : Liberté de mouvement
Cinéma

Embarquement immédiat : Liberté de mouvement

Embarquement immédiat, présenté par l’ONF, est un très beau programme de huit courts métrages d’animation récents racontant le monde, ses réalités multiples et son visage parfois insolite.

Présenté sous le titre (peu évocateur, disons-le) d’Embarquement immédiat, ce programme de soixante-dix minutes permet de découvrir, à travers des techniques d’animation variées, des univers complexes et multiples. Malgré cette diversité, ces films parviennent à créer un univers narratif très cohérent, puisque tous proposent un regard insolite (souvent inquiétant, parfois plus souriant) sur le monde, les hommes et notre époque. Ces films célèbrent aussi cette grande liberté de mouvement et d’imaginaire que permet, de façon toute particulière, le cinéma d’animation.

Embarquement immédiat s’ouvre sur Accordéon, de Michèle Cournoyer. Ce film à l’atmosphère trouble évoque, à l’aide d’une animation simple et brute, le rapport ambigu qui s’est installé entre Internet et l’individu. Dans un rapport d’attraction/répulsion (c’est le principe de l’accordéon), une femme part à la rencontre d’un amant virtuel. À cette valse-hésitation se mêlent des formes qui évoquent le désir mais aussi l’angoisse d’une rencontre qui, virtuelle, ne fait que souligner la solitude des êtres.

Derrière le trait sobre et élégant de Welcome to Kentucky, de l’Ontarien Craig Welch, se cache un univers d’une grande sérénité d’où surgit pourtant, aux moments les plus inattendus, la manifestation d’un monde parallèle inquiétant.

Cette même dualité est illustrée avec virtuosité dans Empreintes, de Jacques Drouin. Sur une mélodie exubérante de Couperin, la caméra passe alternativement d’un côté à l’autre de l’écran d’épingles, révélant la dimension plus sombre et angoissante d’images pourtant magnifiques, aux couleurs ardentes.

Les couleurs sont aussi très riches et profondes dans Bleu comme un coup de feu, de Massoud Raouf (Jutra du meilleur film d’animation 2004). Cette esthétique de la beauté sert pourtant à illustrer la guerre et la barbarie, dans ce film où le mouvement et la fureur, à la fois abstraits et violemment concrets, crèvent l’écran.

Le sort de l’humanité est aussi en question dans L’îlot, de Nicolas Brault. Dessiné à même une tablette graphique à bord du voilier Sedna IV en mission dans l’Arctique, ce film aux traits simples et au surréalisme mordant traduit l’inquiétude de son auteur devant le phénomène de la fonte des glaces polaires.

Mais grâce à l’art, tout n’est peut-être pas perdu. C’est du moins la vision du Suisse Georges Schwizgebel. À la fin de son magnifique L’Homme sans ombre, un homme ayant vendu son ombre à un marchand d’illusions trouve réconfort à la manipulation de marionnettes dans un théâtre d’ombres. Dans Angeli, du Danois Lejf Marcussen, les patients d’un hôpital oublient momentanément la souffrance et la mort lorsque leurs rêves s’emballent, et délirent sur des rythmes de musique baroque ou techno. Et dans Parfum de lumière, de Serge Clément, l’humanité réussit à surgir au creux de ces mégalopoles que sont Hong Kong ou Shanghai.

Embarquement immédiat nous permet de constater que le cinéma d’animation se porte bien. Très bien même. Et que parallèlement aux grands succès commerciaux, il y a encore un courant alternatif du cinéma d’animation qui continue à interroger la forme pour mieux parler d’un monde qu’on voudrait parfois oublier. Et c’est ça aussi, le cinéma d’auteur. Du 26 novembre au 2 décembre au cinéma Parallèle.

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