Primer : Temps dessus dessous
Cinéma

Primer : Temps dessus dessous

Shane Carruth est derrière, devant, dessus et dessous Primer, un premier film dans lequel le jeune réalisateur fait presque tout.

Réalisé avec un budget total de près de 7000 $ US, Primer a de quoi susciter la curiosité et la perplexité, d’autant plus que le sujet du film, le voyage dans le temps, fait généralement partie de ces glorieux prétextes à dépenses du cinéma de science-fiction états-unien. Or, malgré le coût dérisoire de cette production, rien ne s’apparente à de l’amateurisme ou à ce fantastique naïf et maladroit dont les œuvres universitaires ou juvéniles se sont faites, avec les années, le porte-étendard. Bien au contraire. Le premier film de Shane Carruth, gagnant du Grand Prix du jury au dernier Festival de Sundance, est d’une profondeur et d’une intelligence étonnantes. C’est la preuve surtout – comme si nous devions encore la faire – que l’argent et le talent sont, dans la production cinématographique, deux concepts bien distincts. Toutefois, si Primer est sans contredit un film intelligent, il n’est certes pas divertissant.

Primer raconte l’histoire d’Abe (David Sullivan) et Aaron (Shane Carruth, également crédité au scénario, à la production, à la musique, à la direction photo et au montage!), deux jeunes ingénieurs ennuyeux et proprets dont les soirées sont surtout occupées par la réalisation d’un étrange objet s’apparentant à une machine à remonter le temps. Conscients des possibilités qui s’offrent à eux, Abe et Aaron utiliseront leur invention dans le but d’apprendre de l’avenir des détails qui leur permettront de s’enrichir au présent. Bien que d’énormes et complexes précautions soient prises par les deux jeunes hommes pour éviter que l’avenir visité ne reconfigure dramatiquement le présent, il semble inévitable que les problèmes que pose la rencontre des temps vienne plutôt perturber les sujets eux-mêmes.

On comprend qu’à la lecture du scénario de Primer, il ait été envisageable a priori de proposer au spectateur une œuvre cinématographique philosophique et cérébrale à très peu de frais. Mais le danger d’un tel exercice est de vouloir compenser l’absence d’effets visuels par l’abondance d’explications ou d’hypothèses et une profusion dialogique qui ennuie plus qu’elle ne captive. Malheureusement, Primer souffre de cette surabondance de paroles. L’intérêt du départ s’essouffle ainsi au fur et à mesure que s’intriquent les temps et se superposent les dialogues. Néanmoins, Primer fait travailler les méninges et, hormis son austérité qui en fera fuir plus d’un, demeure une œuvre à voir.

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