Feux rouges : Boire et déboire
Cédric Kahn propose Feux rouges, un thriller inquiétant porté par un solide duo d’acteurs.
Attablé dans un bar, Antoine (convaincant Jean-Pierre Darroussin) a rendez-vous. De bière en bière, il attend avec impatience sa femme Hélène (une Carole Bouquet plus Bouquet que Carole) avec qui il doit se rendre chercher les enfants dans une colonie de vacances dans le sud de la France. Le retard d’Hélène agace Antoine à un tel point que, alcool et pusillanimité aidant, il n’aura de cesse d’invectiver celle-ci de son apparition au rencard jusqu’à sa disparition sur le parvis d’un autre bar. Entre les deux, la tension monte et les vacances qui s’annonçaient heureuses et sans histoire s’obscurcissent et sombrent rapidement dans l’exaspération que les nombreux embouteillages ne contribuent pas à atténuer. C’est après s’être à nouveau confié à la bouteille dans un bar près de la nationale qu’Antoine constate, éberlué, la disparition d’Hélène. Un seul mot laissé par son épouse sur la banquette avant indique à Antoine la décision de cette dernière de poursuivre le voyage en train. Furieux, inquiet et enivré, Antoine poursuit sa route en voiture et rencontre un mystérieux étranger. Hélène, quant à elle, n’arrivera jamais à destination.
Avec Feux rouges, Cédric Kahn (L’Ennui et Roberto Succo) nous invite à partager l’angoisse grandissante qui envahit un homme apathique et désemparé que le traumatisme de la disparition oblige enfin à affronter les démons du renoncement. Ce suspense terriblement efficace adapté du roman de Simenon table sur les mêmes anxiétés qui ont fait le succès de The Vanishing de George Sluizer. Porté par un Darroussin décidément en pleine forme, le récit de Feux rouges comporte ceci de sinistre de contraindre le spectateur à s’identifier à un homme auquel on ne souhaiterait a priori jamais s’identifier. Car Antoine est faible, soumis et pathétique, il n’inspire pas forcément la sympathie. Or, l’intention manifeste de Kahn est moins de nous faire détester l’homme dans la faiblesse qui le constitue que d’interroger cette faiblesse comme un défi imposé à l’homme. Aussi suivons-nous Antoine autant dans sa recherche d’une Hélène perdue que dans la quête intime d’une dignité égarée quelque part dans la fumée parmi les bouteilles vides et les âmes errantes.
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