Kinoël : K spécial
Le 1er février 2004, Kino fêtait ses cinq ans sans tambour ni trompette. À l’heure des bilans de fin d’année, Christian Laurence, l’un des membres fondateurs, fait le point.
Inspirés par Stéphane Crête, Gabriel Sabourin et Louis Champagne, qui créaient une pièce de théâtre par mois pour le Grand Théâtre émotif, Christian Laurence, improvisateur aguerri, Eza Paventi et Stéphane Lafleur décident de mettre sur pied un mouvement communautaire où les contraintes de temps et d’argent n’existent pas afin de rendre le cinéma accessible à tous: "Au début, je ne voyais pas Kino comme un grand projet, explique Christian Laurence, joint au téléphone. Je voyais plutôt cela comme une bande de cinéastes qui se motivaient à travailler. Finalement, c’est le même principe que les Alcooliques anonymes; Kino, c’est des artistes paresseux anonymes (rires)."
Paresseux? Pourtant, plus de cinq ans après la première soirée où Jéricho Jeudy présenta Le Cri, le court le plus projeté dans l’histoire de Kino, le mouvement peut aujourd’hui se targuer de compter une quarantaine de cellules indépendantes et plus de 500 kinoïtes à travers le monde: "Jéricho Jeudy et moi travaillions ensemble à l’époque, se souvient le jeune réalisateur. C’est comme le principe des jumeaux, un arrive toujours avant l’autre; dans l’histoire de Kino, je suis arrivé une minute avant Jéricho. En fait, Jéricho est l’un des trois fondateurs avec Stéphane et moi; la philosophie de Kino, c’est le résultat de longues discussions entre lui et moi."
Lors du Festival du Nouveau Cinéma, Kino offrait une série de Kabarets, soirées où des kinoïtes chevronnés présentent des courts réalisés en 48 heures; dans leur Kinolab, force est de constater le sens du partage qui anime les cinéastes. Tour à tour, chaque réalisateur se met au service des autres kinoïtes, devenant tantôt cadreur, tantôt perchiste: "En l’absence de ressources, on se rend compte que ce qui fonctionne, c’est d’apprendre à collaborer, sans oublier nos valeurs fondamentales et nos ambitions personnelles. Le temps et le talent, c’est beaucoup plus précieux que la technique."
Au fil des ans, Kino est devenu si populaire que les fondateurs ont décidé de réduire les périodes d’inscription à deux fois par année (les 21 juin et 21 décembre). Toutefois, pas question de refuser qui que ce soit, car tout le monde peut devenir kinoïte… pour le meilleur et pour pire. De quoi choquer les puristes: "Je trouve ça dommage que l’on blâme cette accessibilité, c’est comme si l’on disait que la démocratie est dangereuse et que l’on devrait donner le droit de vote seulement aux gens qui méritent de l’avoir. Aucun porte-parole de Kino ne dira que tout ce qu’on fait est bon, que l’on fait des chefs-d’œuvre et que l’on révolutionne l’histoire du cinéma. On n’a pas la prétention d’avoir inventé quelque chose: le micro-cinéma existait bien avant Kino; en fait, il existe depuis l’invention des caméras super 8. Je vois Kino davantage comme un mouvement social qu’un mouvement artistique. Kino n’est pas la Nouvelle Vague ni le Dogme, deux mouvements qui ont des revendications esthétiques et artistiques par rapport à leur art. Tout ce que l’on dit, c’est: "Vous pouvez faire du cinéma maintenant, allez-y!" Personnellement, je ne crois pas que parmi 200 kinoïtes, il y ait 200 réalisateurs de talent. Je pense seulement qu’il y a des réalisateurs de talent, d’autres qui sont bons et qui vont s’améliorer à travers ce mouvement, des talents qui n’auraient jamais bourgeonné sans Kino, des esprits créateurs qui s’y trouvent une voix, et d’autres qui font l’expérience du cinéma par la technique et la production. On ne devient pas nécessairement cinéaste en allant voir toutes les rétrospectives à la Cinémathèque; je crois que le cinéma peut également être exploré de l’intérieur."
Que peut-on souhaiter à Kino pour les prochaines années? "Mon souhait, de répondre Laurence, c’est qu’on convainque d’autres gens que les étudiants et les néophytes à joindre nos rangs; avec les Ateliers K, on veut que les cinéastes professionnels comprennent qu’ils ont quelque chose à gagner par cette expérience. J’aimerais aussi qu’on n’oublie jamais la rigueur, même s’il n’y a pas de règles, ni de perpétuer cet esprit festif… Que l’on continue de dire aux gens: "On fait du cinéma, peut-on arrêter de se prendre au sérieux?""
Soirée mensuelle Kino: Théâtre Plaza (6505, rue Saint-Hubert), le vendredi 3 décembre, à 20 h 30
Kinoël (échange de courts métrages de deux minutes entre kinoïtes): O Patro Vys (365, avenue du Mont-Royal Est), le lundi 20 décembre, à 20 h
Prochaines inscriptions: 21 décembre (frais de 50 $)
Pour tout savoir: www.kino00.com