Mémoires affectives : Neige noire
Cinéma

Mémoires affectives : Neige noire

Mémoires affectives confirme une fois de plus le talent de Francis Leclerc, réalisateur d’Une jeune fille à la fenêtre, qui signe une œuvre aussi étrange que belle.

Thriller psychologique mâtiné de fantastique, Mémoires affectives propose une intrigue d’abord toute simple, celle d’un homme devenu amnésique en émergeant du coma, Alexandre Tourneur (Roy Dupuis). Intrigue qui se complexifiera au fur et à mesure que l’entourage de cet homme à la recherche de son passé sera victime d’inexplicables trous de mémoire. Ainsi, dès la rencontre entre Alexandre et sa femme (Nathalie Coupal), le spectateur a tout intérêt à rester vigilant, car les revirements de situation surviennent sans crier gare. À chaque coup de théâtre, ce dernier se retrouve aussi dépourvu que le protagoniste devant ce casse-tête dont les pièces se dérobent plus souvent qu’elles ne s’imbriquent les unes aux autres. Et ce, jusqu’à la grande finale, où Dupuis et Guy Thauvette se livrent à un bouleversant face à face, qui en laissera plus d’un pantois… et songeur. Une chose est sûre, le cinéphile détestant rester passif devant l’écran sera généreusement servi.

Partant du fait que le coma se vit différemment d’une personne à l’autre, Francis Leclerc et son coscénariste Marcel Beaulieu (Un crabe dans la tête d’André Turpin) proposent un récit déconcertant, qui nous entraîne non seulement dans les méandres psychiques d’un homme ayant perdu son identité, mais aussi dans les confins de la mémoire collective, dite archaïque. De fait, en plus de collectionner des souvenirs ne lui appartenant pas, Alexandre verra émerger de son esprit des bribes de son propre passé violent, jumelées à celui d’un Montagnais. Au spectateur de choisir alors s’il s’engouffre ou non dans ce labyrinthe des plus déroutants.

Plus encore qu’un hommage à nos origines ancestrales, Mémoires affectives nous rappelle par ses paysages d’hiver, magnifiquement mis en valeur par Steve Asselin, la grande époque du cinéma québécois, celle des Brault, Perrault et Jutra. Époque où les cinéastes osaient braver le froid pour immortaliser les splendeurs hivernales. Toutefois, en proposant une trame fantastique, le réalisateur s’inscrit dans une cinématographie qui ose, petit à petit, explorer de nouvelles voies.

Par ailleurs, Leclerc a su créer un climat onirique des plus mystérieux et envoûtants où les personnages évoluent dans des plans épurés, comme s’ils étaient perdus dans un vaste univers hostile. Pour ajouter à cet effet d’irréel, le cinéaste se plaît à faire apparaître ou disparaître les protagonistes d’un simple mouvement de caméra. Un film à voir… deux fois plutôt qu’une!

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