Les Sommets de l’animation 2004 : La condition humaine, une image à la fois
Les Sommets de l’animation 2004: instants planants, grincements de dents et récits sur les travers humains. Le cinéma d’animation s’éclate! Accrochez-vous!
Avec sa rétrospective annuelle, Les Sommets de l’animation, la Cinémathèque québécoise invite de nouveau les cinéphiles à découvrir les joyaux et curiosités de l’année dans le domaine du cinéma d’animation. Vingt courts métrages d’auteur récents, proposés en deux programmes d’environ 85 minutes chacun, composent cette sélection internationale très éclatée. On y parle de tout: de sexe, d’amour, de guerre, de mort, de surconsommation et de démons intérieurs. C’est en quelque sorte un topo sur la condition humaine, une image à la fois.
De nombreux films de ce "Best of" 2004 mériteraient qu’on s’y attarde. Nous ne mentionnerons cependant que ces quelques incontournables. L’obscur et morbide La Petite Russie, de l’Italien Gianluigi Toccafondo, illustre la détresse d’un homme tourmenté par des fantasmes féminins et une obsession idéologique qui le pousseront à se détruire en même temps qu’il détruit les autres, littéralement. La fluidité des images peintes permet de créer des métamorphoses fascinantes qui illustrent de façon remarquable le trouble du protagoniste.
La question du point de vue altéré est aussi présente dans le très beau À travers mes grosses lunettes, co-production Québec-Norvège réalisée par Pjotr Sapegin. Ici, les souvenirs de guerre d’un grand-père sont transformés au gré de l’imagination colorée de sa petite-fille qui, encore trop jeune pour comprendre, prend les choses un peu trop au pied de la lettre.
Endiablé et délirant, Bathtime in Clerkenwell est un clip musical réalisé par le Russe Alex Budovsky. Cette animation hilarante et contrastée (dessins noirs sur fond blanc) raconte un putsch de coucous patibulaires qui entreprennent de se libérer de leur esclavage en désertant leur horloge. Dorénavant, les oiseaux regarderont la télé pendant que les humains sortiront la tête de l’horloge, le temps d’un "coucou!"
Toujours dans le domaine du clip musical, signalons au passage le fluide et surréaliste Walkie Talkie Man, de Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind).
Frénétique et singulièrement farfelu, Nibbles, du Montréalais Christopher Hinton, mis en nomination aux Oscars 2004, raconte un voyage de pêche entrepris par le réalisateur et ses deux fils. Et quel voyage! Une course complètement folle de la ville au lac et du lac à la ville, dont l’essentiel se passe, très ironiquement, dans les nombreux bouis-bouis de restauration-minute qui se dressent sur leur chemin. Le dessin, brut et grotesque, contribue grandement à la dimension burlesque et subversive du récit.
Autre métaphore de l’existence sur fond de pitance, Circuit marine, de la Suissesse Isabelle Favez, raconte la loi de la jungle à bord d’un bateau pirate où les plus gros dévorent les plus petits. Le cynisme est mordant, malgré l’humour et le style naïfs.
Le programme se termine par Intolerance III: The Final Solution, conclusion de la trilogie de science-fiction du Britannique Phil Mulloy. Acerbe, violent, expressionniste et complètement tordu, à l’instar des deux premiers volets, ce film met le point final à cette guerre hallucinante que se livrent extraterrestres et terriens, sur fond de parabole sur l’intolérance et le fanatisme.
Cohérente et jamais banale, l’édition 2004 des Sommets de l’animation propose des images et des récits stimulants sur le monde et ses visions. C’est un rendez-vous toujours essentiel.
Du 9 au 11 décembre
À la Cinémathèque québécoise
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